Démocratiser l’enseignement de l’esprit critique
Nous partons du postulat que tous les élèves devraient avoir accès à un enseignement de l’esprit critique.
Le danger est que dans de nombreux systèmes scolaires, les élèves moins capables vont recevoir des cours moins stimulants. Dans ce cadre, leurs enseignants vont s’employer à renforcer essentiellement les savoirs et savoir-faire basiques. Ils laissent la résolution de problèmes et de tâches complexes, à une portion congrue lorsqu’elle n’est pas tout simplement mise entre parenthèses.
Ces démarches risquent également de toucher plus sélectivement des écoles qui concentrent des élèves de milieu socioéconomique plus défavorisé. À l’opposé, l’accès à des contenus stimulants et la poursuite d’études supérieures sont, dans presque tous les pays, associés à un statut socioéconomique plus élevé.
Ne pas offrir le même enseignement à tous les élèves en matière d’esprit critique accentue des inégalités déjà présentes. Les enfants issus de familles de statut socioéconomique privilégié ont également plus de possibilités d’être confrontés à ce genre de démarche à la maison.
L’école doit être un lieu où tous les élèves, peu importe leur statut socioéconomique d’origine, sont exposés à un vocabulaire avancé. Ils doivent être confrontés à de riches connaissances sur les contenus et à des activités qui stimulent une réflexion de haut niveau. Plutôt que de réduire la place réservée à l’esprit critique, nous devons plutôt chercher à l’améliorer et à mieux l’intégrer.
L’esprit critique ne s’adresse pas seulement aux élèves les plus talentueux et les plus avancés sans leur parcours scolaire.
Il y a la tentation de réserver plus de temps à ces approches pour les élèves qui avancent plus vite dans les activités plus basiques d’apprentissage, de les considérer comme un enrichissement ou un dépassement. Elles sont en réalité utiles et nécessaires à tous.
Les sciences cognitives montrent que pratiquement tout le monde est capable d’esprit critique et l’utilise très régulièrement, et ce depuis sa plus tendre enfance.
La difficulté liée à la mobilisation de l’esprit critique se trouve dans le fait qu’elle dépend de l’apprentissage préalable de connaissances pour être réalisée avec succès. Le transfert de compétences, dont l’esprit critique est une des dimensions, est une finalité pour tous les élèves.
Un esprit critique à tout âge
La recherche a montré que les enfants sont plus capables que nous le pensions précédemment, à réfléchir de façon critique.
La théorie du développement de Jean Piaget a été remise en question et n’est plus d’actualité. Selon celle-ci, la cognition des enfants passerait par une série de quatre étapes, caractérisées par un esprit critique progressivement plus abstrait et par une meilleure capacité progressive à adopter des perspectives multiples.
Contrairement à la théorie de Piaget, la recherche a établi que :
Le développement est progressif et ne change pas brusquement.
Ce que les enfants peuvent et ne peuvent pas faire, varie en fonction du contenu considéré.
L’implication est claire : l’inclusion de l’esprit critique dans la scolarisation des jeunes enfants est pertinent et susceptible d’être parfaitement approprié.