L’intérêt d’une note constructive comme alternative à une note chiffrée
La perspective d’une note motiverait les élèves à apprendre. La note serait en quelque sorte une forme de salaire de l’élève. Sans elle, de nombreux élèves ne daigneraient pas s’investir sérieusement dans l’apprentissage. La note agirait comme une carotte ou un bâton permettant à l’élève de se mettre au travail efficacement.
De Vecchi (2014) a développé cette question. Si la note peut être stimulante pour les élèves les plus performants, elle serait au contraire préjudiciable pour la motivation des élèves en difficulté. Dès lors, une question se pose :
Doit-on valoriser l’élève déjà performant, contribuant ainsi à la constitution d’une élite ?
Doit-on porter les efforts sur les plus faibles et adapter la manière d’évaluer pour éviter de les stigmatiser davantage ?
De nombreuses recherches montrent l’occurrence de tels phénomènes. Il existe un effet délétère de l’évaluation normative sur l’intérêt des élèves à apprendre. Les notes renforceraient des stratégies d’études superficielles et seraient par ailleurs source d’anxiété.
En effet, la perspective d’une note va fonctionner comme une source de motivation purement extrinsèque mélangeant l’espoir d’avoir une bonne note et la peur de l’échec. Elle peut être perçue par l’élève comme plus de l’ordre du contrôle de son comportement que de la volonté de l’influencer positivement. De plus, la note est décidée à un moment précis et plus ce moment est distant dans le temps, moins il aura un pouvoir d’influence sur des élèves qui se sentent en difficulté pour les mettre au travail. De plus qui dit note, dit mise en place d’un système normatif où les résultats peuvent être comparés entre élèves et où la progression personnelle passe au second plan. L’enjeu est de réussir le jour J.
Il est également intéressant de s’interroger sur ce qui pousse l’élève à travailler davantage dans un système compétitif. S’agit-il de montrer sa performance ou éviter de montrer son incompétence ? Dans quelle mesure est-ce que l’enjeu de la note ne va pas détourner une partie des ressources en mémoire de travail si celle-ci génère de l’inquiétude ?
Dans une étude, Kim et ses collaborateurs (2010) ont mis en évidence l’effet modérateur de la compétence perçue et de la poursuite de buts d’approche de performance sur les réactions cognitives et affectives des étudiants.
Ces chercheurs ont étudié l’activité du cerveau d’étudiants grâce aux images IRM dans deux conditions :
Lorsqu’ils reçoivent une rétroaction normative (note chiffrée)
Lorsqu’ils reçoivent une rétroaction critériée (rétroaction élaborée ou note constructive)
Ils ont mis en évidence les résultats suivants :
Les élèves qui se sentent compétents vont prêter davantage attention aux notes. Ils les voient comme une information diagnostique sur leur compétence. Ces élèves ne semblent pas prêter une attention particulière à la rétroaction critériée (note chiffrée), car sa valeur ajoutée est faible pour eux. Ils peuvent identifier par eux-mêmes leurs faiblesses.
Les élèves ayant un faible sentiment de compétence prêtent davantage d’attention à la rétroaction critériée (note chiffrée) qu’ils voient comme une information diagnostique sur leur compétence, car sa valeur ajoutée est élevée pour eux. Ils ont des difficultés à identifier par eux-mêmes leurs faiblesses.
Au-delà de la préférence, nous pouvons nous intéresser à l’impact :
Les élèves poursuivant des buts d’approche de la performance et qui ont une bonne perception de leur compétence, même s’ils prêtent davantage attention aux notes, ressentent négativement la rétroaction normative (note chiffrée). Elle est associée à une peur de l’échec.
Cet effet négatif est décuplé chez les élèves poursuivant des buts d’approche de la performance et ayant en plus une faible estime de leur compétence.
Pulfrey et ses collaborateurs (2011) expliquent que le problème de la note est qu’elle s’accompagne d’un haut degré d’incertitude sur les critères de réussite liés à l’évaluation. Cet effet est accru lorsque l’enjeu est présenté comme important. Les élèves semblent ressentir moins de maîtrise sur leur note que lorsque l’évaluation est critériée.
Kim et ses collaborateurs (2010) concluent que les individus qui sont habitués au succès ne sont pas aussi négativement affectés par la note que les individus faisant régulièrement face à l’échec.
Au moment de recevoir leur note chiffrée, les individus poursuivant des buts de performance sont particulièrement anxieux. Cet effet négatif est encore plus perceptible chez les individus qui ont un sentiment de compétence faible, pour lesquels la note est une source importante d’anxiété.
Ces recherches montrent l’importance d’une rétroaction élaborée qui accompagne les résultats d’une évaluation, ce qui correspond au modèle de la note constructive de Pasquini (2021).