L’importance d’une prise en compte des préjugés et stéréotypes dans l’évaluation
L’impératif de considérer les préjugés et les stéréotypes dans le contexte scolaire émane de préoccupations fondamentales relatives à la validité, à la fiabilité et à l’équité des processus d’évaluation.
Une première évidence est que nous ne pouvons nier que les enseignants ont une tendance générale à attribuer des notes plus élevées aux élèves qu’ils apprécient et à ceux qui partagent la même origine culturelle qu’eux.
De manière opposée, certains biais cognitifs, préjugés ou stéréotypes liés aux catégorisations sociales peuvent amoindrir l’objectivité du jugement évaluatif de l’enseignant :
1. L’influence des stéréotypes peut engendrer des erreurs systématiques dans l’évaluation pour l’enseignant :
Les stéréotypes sont définis comme des croyances généralisées concernant les attributs d’un groupe social (Allport, 1954). Ils peuvent induire les évaluateurs à interpréter les informations d’une manière qui confirme ces croyances, même en présence de données contradictoires.
L’appartenance d’un élève à un groupe social peut influencer les perceptions liées à l’évaluation et biaiser les inférences qui en découlent, faites par les enseignants.
Jennifer Eberhardt (2019) a montré que les biais raciaux implicites peuvent influencer les jugements dans des contextes variés, y compris l’éducation. Ces biais, souvent inconscients, peuvent conduire à surévaluer ou sous-évaluer les performances d’élèves selon leur origine ethnique, sociale ou culturelle.
Différentes recherches montrent l’existence de préjugés et de stéréotypes liés au poids, au genre et à l’origine des élèves. L’apparence corporelle est une dimension qui peut être délicate à assumer. Pour les adolescents, cela peut être encore plus difficile. L’adolescence est une période charnière pour le développement d’une image corporelle positive ou négative avec un impact sur l’estime de soi globale.
2. L’effet Pygmalion ou la prophétie autoréalisatrice, liés aux attentes des enseignants :
Rosenthal et Jacobson (1968) ont démontré que les attentes des enseignants influencent directement les performances des élèves. Des enseignants à qui l’on avait dit que certains élèves avaient un « potentiel intellectuel élevé » ont involontairement amélioré les résultats de ces élèves, alors qu’ils avaient été choisis au hasard.
3. La menace du stéréotype peut influencer négativement les performances des élèves.
La notion de menace du stéréotype (Steele & Aronson, 1995) met en évidence un mécanisme par lequel la conscience des stéréotypes négatifs associés à son propre groupe social peut altérer la performance d’un individu lors d’une évaluation.
Ce phénomène a été mis en évidence dans une étude. Des étudiants afro-américains obtenaient de moins bons résultats à un test de logique lorsqu’ils pensaient qu’il mesurait leur intelligence, en raison de la peur inconsciente de confirmer un stéréotype négatif.
Ces résultats ont été largement reproduits et généralisés à d’autres groupes (femmes en mathématiques, élèves issus de classes sociales défavorisées, etc.).
L’internalisation de la pression liée aux stéréotypes peut conduire à une sous-performance, ne reflétant pas fidèlement les compétences ou les capacités réelles de l’évalué.
4. Les enseignants peuvent manifester des préjugés, introduisant un manque d’équité dans l’évaluation :
Les préjugés sont définis comme des attitudes affectives négatives envers un groupe social et ses membres (Dovidio, Gaertner, Kawakami, & Hodson, 2002).
Les préjugés peuvent se manifester de manière explicite ou implicite (Greenwald & Banaji, 1995), influençant les jugements et les décisions de manière souvent inconsciente.
Ne pas prendre en compte ces biais peut conduire à des évaluations injustes, à des décisions d’orientation biaisées et à une démotivation des élèves victimes de discrimination. Les élèves ont très peu d’impact et plus régulièrement quasiment aucune possibilité d’action face à ces facteurs (sexe, origine…). Ces facteurs, ces stéréotypes et ces préjugés ne changent pas seulement la perception qu’un adolescent a de lui-même, ils peuvent aussi changer la façon dont les autres les évaluent.
De tels phénomènes semblent inévitables et nécessitent une prise de conscience de la part des enseignants pour des raisons éthiques et inclusives. Il est essentiel d’être plus conscient des différents facteurs qui influencent notre perception des autres.
Tous les élèves doivent pouvoir être traités de la même manière face à leurs apprentissages. S’attaquer à ces biais, à ces stéréotypes et à ces préjugés est une étape essentielle pour soutenir le développement d’adultes heureux et en bonne santé. Mais pour y parvenir, il faudra défaire les attitudes profondément enracinées.
En conséquence, une prise en compte rigoureuse des préjugés et des stéréotypes est essentielle pour renforcer la fiabilité interévaluateurs et la validité globale des processus d’évaluation.
La première étape consiste peut-être simplement à reconnaître leur existence et la façon dont ils peuvent influencer notre évaluation. Cette prise de conscience peut permettre d’avoir un regard critique sur nos processus d’évaluation.
La première étape consiste à agir. Cela implique l’adoption de méthodologies d’évaluation structurées, la formation des évaluateurs à la reconnaissance et à la mitigation des biais, et la mise en œuvre de protocoles visant à garantir l’impartialité des jugements. Des pratiques d’évaluation équitables, comme l’anonymisation des copies, les grilles d’évaluation objectives ou la formation aux biais cognitifs, permettent de limiter de tels effets.