Le défi de l’oubli pour l’enseignement et l’apprentissage
Qu’on le veuille ou non, l’oubli est une dimension de l’apprentissage et la prise en compte de ses mécanismes peut être un facteur d’efficacité.
Relativiser l’oubli
La première chose à réaliser est que l’oubli est souvent moins radical que nous pouvons le présumer. Nous n’oublions pas tout. Dans certaines conditions, nous pouvons même nous souvenir d’à peu près tout ce qui est essentiel concernant certains sujets.
Nous avons une tendance à surestimer ce que nous avons oublié. Un tri se produit, mais nous conservons une partie de ce que nous apprenons. Ce qui parait oublié à un moment peut devenir accessible lorsque plus d’indices contextuels sont présents. Tout est une question d’intégration dans des schémas et de réutilisation régulière. Une information isolée ou non réutilisée se perd, se détériore ou s’oublie. Une information régulièrement récupérée se consolide, s’intègre et se nuance.
Des paramètres qui atténuent l’oubli
L’oubli est un phénomène naturel et l’érosion des connaissances est :
Plus manifeste dans le cas d’un rappel direct :
C’est le fait de se souvenir à froid, de but en blanc, sans indice ou en dehors du contexte d’apprentissage d’éléments précédemment appris.
Plus faible dans le cas d’un rappel indicé :
La récupération se fait dans un contexte proche de l’apprentissage avec différents indices.
Bien plus minime encore lorsqu’il s’agit de reconnaitre l’information plutôt que de la récupérer :
Par exemple, il s’agit de retrouver la bonne réponse parmi les différentes options d’une question à choix multiples.
En général, nous assistons à une perte rapide de signification des concepts mémorisés dans les premiers temps lorsqu’ils ne sont pas réutilisés. Ils deviennent peu à peu moins accessibles.
Au contraire, nous constatons une maintenance en mémoire d’une plus large partie d’entre eux à long terme lorsqu’ils sont de temps à autre mobilisés ou rencontrés à nouveau.
L’intensité d’un rappel à long terme dépend à la fois de la qualité de l’apprentissage initial et d’opportunités de récupération régulières :
Au plus nous apprenons en profondeur et intensité certains éléments de connaissance dans une phase initiale, au plus il est probable que nous en garderons quelque chose.
Au mieux des concepts sont compris, ancrés et mémorisés lors d’un apprentissage distribué grâce à de multiples récupérations, au plus solidement ils perdureront en mémoire.
Au mieux nous comprenons d’informations en lien avec nos connaissances préalables, au mieux nous les retenons. Une information qui n’est pas stockée de manière pertinente dans un schéma cognitif, qui ne fait pas sens et qui n’est pas correctement reliée à d’autres informations proches sera plus rapidement oubliée.
Un aspect particulièrement important est le fait d’entretenir les connaissances apprises. Les élèves doivent y être confrontés à nouveau plusieurs fois. Ils doivent les récupérer en mémoire à long terme régulièrement. L’espacement des récupérations peut être croissant.
Si ce processus s’étend dans le temps, il peut entrainer une bonne fixation en mémoire même si ces concepts ne sont quasiment plus jamais utilisés ou rencontrés à nouveau par l’individu.
Croisons tous ces facteurs un instant. Nous pouvons résolument admettre qu’une partie non négligeable de concepts vus dans le cadre scolaire peuvent être raisonnablement fixés à vie. Beaucoup de connaissances ne vont jamais être oubliées.
Il importe simplement que l’apprentissage a été approfondi et distribué sur une longue période et que des occasions de rappels aient été rencontrées par la suite. Ces rappels sont soit directs ou indirects lorsque des concepts voisins ou complémentaires ont été croisés.
Il est donc important que l’enseignement en classe et les activités d’apprentissage autonome à domicile dans lesquels s’engagent les élèves soient conçus dans l’optique de la construction de connaissances durables.