Analyser une situation de déficit de vigilance lors de la pratique autonome en enseignement explicite
Analysons le cas suivant qui décrit une situation de pratique autonome sous-optimale en enseignement explicite :
Après avoir introduit l’objectif d’apprentissage, offert un modelage et une pratique guidée à ses élèves, tout en vérifiant leur compréhension, un enseignant estime qu’ils sont prêts à passer à une pratique autonome.
Il décide dès lors de donner à ses élèves différentes tâches à réaliser. Il leur demande de les réaliser en autonomie, mais accepte un certain degré de coopération. Les élèves peuvent s’aider mutuellement dans le cadre d’une forme de tutorat, de manière à diminuer l’hétérogénéité de la compréhension et des connaissances au sein de la classe.
Nous nous trouvons dans la perspective d’un enseignement explicite au stade d’une pratique indépendante (autonome ou coopérative) telle qu’elle peut exister dans un cours de mathématiques ou de sciences.
Tandis que ses élèves travaillent, l’enseignant veille à se déplacer aléatoirement dans la classe et à vérifier l’engagement et le travail de ses élèves.
L’enseignant a défini comme routines que ses élèves peuvent lever le doigt pour signaler une difficulté et demander de l’aide. C’est ce qui se passe. L’enseignant passe donc d’un élève à l’autre. Il se penche vers les feuilles de l’élève, écoute leur question et s’assure de bien répondre à ses attentes avant de se diriger vers un élève suivant en attente. Parallèlement, il jette régulièrement un regard vers les autres élèves pour s’assurer de leur engagement.
Au fur et à mesure, l’enseignant constate que de nombreux doigts se lèvent et qu’il n’a pas de répit. De plus, ce sont souvent les mêmes élèves qui réclament son aide. Comme il ne peut pas répondre immédiatement à certains élèves, ceux-ci patientent et cessent de travailler au moindre obstacle en attendant son arrivée.
Afin de répondre plus rapidement aux questions, l’enseignant abaisse son niveau de vigilance et passe d’une explication à l’autre sans réellement avoir le temps de scanner la classe pour observer ce que font les autres élèves.
Différents élèves commencent à chuchoter entre eux et à se désengager. L’enseignant n’est plus certain du niveau d’engagement des élèves qui ne l’appellent pas. La séance de travail devient peu productive.
Un observateur extérieur pourrait émettre les hypothèses suivantes sur le cours et essayer de les étayer en analysant l’engagement et le comportement des élèves :
Peut-être que la pratique autonome est arrivée trop tôt et que la pratique guidée aurait dû être prolongée.
Peut-être que la vérification de la compréhension lors du modelage et de la pratique guidée a été trop peu développée. La conséquence est que les élèves n’étaient pas pleinement attentifs ou que l’enseignant a surestimé leur niveau de compréhension.
Peut-être que le niveau des tâches demandées lors de la pratique autonome est trop élevé. De plus, les élèves n’avaient peut-être pas à leur disposition des exemples de tâches et de problèmes résolus qui peuvent leur servir d’étayage.
Peut-être que l’enseignant passait trop de temps auprès de chaque élève. Cela envoyait comme message à d’autres élèves que le niveau des tâches demandées était peut-être trop élevé pour eux ce qui peut agir comme facteur de démotivation.
Peut-être que les élèves ne sont pas suffisamment formés aux stratégies de tutorat par les pairs pour activer une forme d’apprentissage coopératif. Sans doute que certains problèmes rencontrés par les élèves pourraient être expliqués par leurs pairs et ne pas nécessiter l’intervention de l’enseignant.
Peut-être que l’enseignant a négligé d’exercer sa vigilance à l’ensemble du groupe en se focalisant sur l’aide à apporter à des élèves singuliers.
Ces différentes hypothèses tournant chaque fois autour d’un défaut de vigilance de l’enseignant, qu’il porte sur l’observation des élèves, la conception des cours ou la formation des élèves aux stratégies adéquates.
Vraisemblablement, iI y a également probablement un défaut de vigilance dans la gestion des interactions.