Comprendre les limites et l’importance de la mémoire de travail pour l’apprentissage
Limites de la mémoire de travail
Imaginons qu’il nous soit demandé de nous rappeler mentalement la séquence aléatoire de lettres suivantes. Celle-ci ne serait affichée que quelques secondes :
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Pour la retenir, nous allons contrôler notre attention et nous la répéter en boucle. Nous exploitons ainsi une propriété de notre mémoire à court terme/mémoire de travail, appelée boucle phonologique dans le modèle de la mémoire de Baddeley et Hitch.
Au-delà d’un nombre conséquent de répétitions, il est probable que nous allons la mémoriser quelque temps et qu’il ne nous sera plus nécessaire de la répéter en boucle. Sans doute que l’une ou l’autre sonorité ou caractéristique propre à la séquence de lettres y contribuera, nous créerons des liens contextuels avec d’autres informations mémorisées.
Si quelqu’un vient nous déranger pendant ce processus, avant qu’il n’aboutisse à cet état, et détourne notre attention quelques instants, il y a de grandes chances que l’information soit perdue et nous devienne irrécupérable.
Maintenant, imaginons qu’il nous soit demandé de nous mémoriser rapidement la séquence suivante :
ASUCFKUNOIBF
Il est clair que cette deuxième tâche sera nettement plus difficile. La simple répétition en boucle sera plus exigeante. Pour espérer y arriver, il nous faudra faire appel à un processus de regroupement appelé « chunking » ou tronçonnage.
ASU CFK UNO IBF
En regroupant les lettres par trois, la séquence devient plus aisée à mémoriser. Par exemple, c’est de cette façon que nous retenons temporairement un numéro de téléphone, le temps de le noter ou de l’encoder.
Maintenant, retrouvons la même séquence, mais en inversant l’ordre des lettres !
FBI ONU KFC USA
Immédiatement, tout devient nettement plus simple. Dans ce cas-ci, la mémoire de travail ne doit plus se préoccuper des lettres. Les mots sont reconnus. Elle va juste se contenter de pointer vers la connaissance de ces mots inscrite et activée dans notre mémoire à long terme.
Ces mots vont ainsi être activés en mémoire de travail. C’est ce lien plus durable qui demeure actif et doit être maintenu dans notre mémoire de travail. De douze lettres, nous passons à quatre liens vers ces termes, à maintenir en mémoire de travail, ce qui est nettement plus aisé.
Notre mémoire de travail n’a plus à se préoccuper des lettres. Pour les récupérer, il lui suffit d’épeler le terme présent en mémoire à long terme.
Si nous considérons maintenant la séquence suivante :
INDÉPENDANCE
Il y a 12 lettres, par exemple dans « KSLRVAOTSVLZ ». Cependant, à la différence de ce dernier, le mot « INDÉPENDANCE » sera immédiatement reconnu et activé dans notre mémoire à long terme. Dès lors, pour la mémoire de travail, cela ne représente qu’une seule unité d’information très aisée à retenir.
Nous le voyons, des éléments connus, déjà présents en mémoire à long terme ne représentent qu’un coût réduit en ressources pour notre mémoire de travail. Cela représente un avantage net et précieux.
Importance en contexte scolaire
Quand un élève apprend à l’école, il le fait avant tout grâce à son système cognitif. Ce dernier possède plusieurs composantes, dont l’une est d’une importance centrale, la mémoire de travail.
La mémoire de travail a une capacité de stockage limitée qu’il parait vain d’essayer d’augmenter de manière générale par des entrainements ou en stimulant l’une ou l’autre fonction exécutive attenante (inhibition, attention, flexibilité…).
Il est plus utile de réfléchir au niveau de la conception des situations d’apprentissage et de prendre en compte le rôle de la mémoire à long terme.
Pour ce faire, nous devons viser à améliorer la compatibilité cognitive entre :
Les contraintes des situations d’apprentissage scolaire.
Les limites de la mémoire de travail.
Les améliorations successives de notre compréhension des processus de la mémoire de travail permettent d’affiner parallèlement la conception de situations d’enseignement.