L'art du chunking en mémoire de travail
Le goulet d’étranglement de la mémoire de travail
La mémoire de travail est avec l’attention, l’une des deux principales contraintes pour l’apprentissage. La mémoire de travail possède une capacité limitée à retenir les informations.
La capacité limite de la mémoire de travail s’élève à trois ou quatre chunks d’informations nouvelles (Cowan, 2010). Ces informations sont maintenues jusqu’à 30 secondes et finissent par disparaitre et être remplacées par d’autres à moins d’être répétées en boucle.
Un chunk est une unité de connaissance en mémoire de travail. Elle est composée d’informations organisées et cohérentes entre elles.
Concrètement, nous pouvons retenir au maximum environ 7 unités de connaissances nouvelles dans notre mémoire de travail. Cependant s’il s’agit de traiter également ces informations, le nombre d’unités gérables se réduit à 3 à 4. Le traitement consistant à combiner, à contraster, à élaborer ou à manipuler ces unités.
Notre mémoire de travail est assimilable à notre conscience. Ce qu’elle contient est ce que nous avons à l’esprit actuellement.
Se concentrer et répéter machinalement
Cet état de fait représente une source de la frustration et d’incompréhension pour de nombreux élèves. Ils n’ont qu’une idée en tête souvent, c’est de pouvoir mémoriser les informations qu’ils ont en tête actuellement pour les récupérer plus tard. Ils tombent alors dans le piège d’essayer de répéter plusieurs fois les mêmes informations, pour les mémoriser, avec le secret espoir qu’elle atterrissent durablement dans leur mémoire à long terme.
Les élèves essaient de surmonter la limite de capacité de leur mémoire de travail en se concentrant sur les informations actuellement présentes à l’esprit en se les répétant.
C’est une erreur. Concentrer son attention sur quelques éléments et se les répéter en boucle n’est pas une bonne façon de surmonter le goulet d’étranglement de la mémoire de travail.
Si le traitement s’arrête à ce stade, il sera le plus souvent vain et ce qui sera retenu risque d’être rapidement oublié ou d’être plus fonctionnel.
Le phénomène de chunking
La solution à la limite de capacité de la mémoire mobile consiste à organiser les informations en grands morceaux ou chunks en fonction de nos connaissances préalables.
Ce processus est appelé chunking (Gobet, 2005) :
Par exemple, il serait difficile de mémoriser une chaîne de lettres aléatoire, telle que « P-T-M-A-O-P-I-H-O-S-E-P ». Chaque lettre agit comme un chunk et 12 chunks dépassent largement la capacité de la mémoire de travail.
Cependant, nous pouvons activer des connaissances préalables en rapport dans notre mémoire à long terme. La mémorisation de la même chaîne de lettres arrangée pour épeler un mot familier, tel que « H-I-P-P-O-P-O-T-A-M-E-S » est facile.
Maintenant, toutes les lettres sont organisées grâce à l’activation de connaissances à long terme en quelque chose de familier et de significatif qui correspond à un seul chunk.
Pour surmonter la limite de capacité de la mémoire de travail, les élèves doivent élaborer pour organiser les nouvelles informations en chunks significatifs en se fondant sur leurs connaissances préalables. Cette démarche permet la compréhension et par la suite l’apprentissage.
Cette démarche peut être particulièrement difficile pour les apprenants novices dans un domaine, car ils n’ont pas l’expertise nécessaire pour construire des chunks de taille importante et peuvent manquer de certaines connaissances fondamentales.
Pour apprendre plus efficacement et mieux, l’enjeu est d’augmenter progressivement la taille des chunks. De cette manière, nous pouvons mieux piloter le goulet d’étranglement de la mémoire de travail. Par un processus de chunking, d’élaboration et de récupérations ultérieures, les nouveaux contenus sont peu à peu transférés durablement en mémoire à long terme. Ils peuvent alors à leur tour être mobilisés pour construire des chunks plus complexes avec de nouveaux contenus.
Tout ce processus suppose l’activation et la construction de connaissances en mémoire à long terme par la création de lien avec des connaissances préalables grâce à un traitement qui se déroule en mémoire de travail.
C’est la mémoire à long terme qui est le siège de l’apprentissage et joue un rôle crucial dans notre compréhension de notre environnement. Cependant, elle est accédée et pilotée à partir de la mémoire de travail.