Des sources de subjectivité dans l’établissement des notes
La subjectivité entre évaluateurs dans l’établissement des notes
Une expérience a été réalisée en 1931 par la Commission française pour l’enquête Carnegie (Laugier & Weinberg, 1936). Des chercheurs ont soumis à six correcteurs différents, cent copies anonymes ayant fait l’objet d’un écrit à l’examen final du baccalauréat, et provenant de disciplines différentes.
Des écarts considérables ont été constatés dans la globalité des disciplines étudiées. Cela allait de 8 points d’écart (sur 20) en physique jusqu’à 13 points d’écart en composition française (Capelle, 2010).
Les chercheurs ont mené une analyse statistique afin d’estimer quel aurait été le nombre de correcteurs nécessaire pour obtenir une « note vraie » (Merle, 2018). Ils ont estimé qu’il aurait fallu que 13 évaluateurs en mathématiques et 127 correcteurs en philosophie participent à la multicorrection. De cette manière, la moyenne des notes deviendrait la plus représentative possible de la valeur du travail du candidat (Capelle, 2010). Selon Merle (2018), ce calcul se révèle être le reflet de l’« utopie scolaire » de la recherche d’une « note vraie ».
La subjectivité propre à un évaluateur dans l’établissement des notes
L’utopie ne se réduit pas à la fidélité entre plusieurs correcteurs différents. Elle existe également pour un seul et même correcteur. 37 copies de physiologie d’un certificat d’études supérieures de sciences ont été soumises plusieurs fois aux mêmes enseignants à la correction à des périodes différentes (intervalles de dix mois et trois ans et demi). Il est apparu que les correcteurs ne notent pas de la même façon en fonction de la diversité des situations d’évaluation. D’un contexte évaluatif à l’autre, les enseignants ne sont pas toujours fidèles à leur précédente évaluation (Merle, 2018).
D’autres sources de subjectivité dans l’établissement des notes
Au-delà de la variabilité inter- et intraévaluateurs, d’autres faiblesses des examens sont mises en évidence avec un impact sur la note finale attribuée à l’élève (Merle, 2018).
Le recours à des échelles de notes est variable selon le correcteur :
Certains correcteurs ne vont pas utiliser toute l’échelle des notes (en évitant les extrêmes par exemple, ils ne vont jamais descendre en dessous de 5/20 ou dépasser le 18/20).
D’autres correcteurs vont quant à eux se servir d’une échelle de notes bien plus large (en utilisant le minimum et le maximum, ils peuvent mettre un 0/20 ou un 20/20).
L’interprétation de ces notes en conseils de classe peut varier s’il s’agit d’un 0/20 ou d’un 5/20 donnés par deux enseignants différents, même si les apprentissages sont les mêmes.
Une tendance à la confusion existe sur les objectifs de l’évaluation. Il peut y avoir une confusion entre la mesure de la maitrise et la mesure des capacités des élèves. Il peut s’agir pour l’enseignant de vouloir :
Contrôler les résultats d’une formation éducative et la maitrise des acquis. Dans ce cas-là, on mesure les apprentissages démontrés par l’élève en fonction d’objectifs d’apprentissage et de critères de réussite prédéfinis.
Déterminer les aptitudes propres des élèves à maitriser les acquis. Dans ce cas, on projette les résultats d’une évaluation pour poser une hypothèse subjective sur des apprentissages ultérieurs en supposant que l’élève pourrait ou ne pourrait pas les maitriser.
Cette confusion des deux objectifs poursuivis par l’évaluation peut avoir pour conséquence la réorientation des élèves vers des filières pour lesquelles ils n’ont pas forcément les aptitudes requises. Une situation d’échec à un moment donné peut être mobilisée pour déconseiller une orientation. Inversement, un échec à un moment donné peut être relativisé, car on fait un pari hypothétique sur les capacités d’un élève à réagir. Ces démarches sont purement subjectives et hypothétiques.