Importance des observations en classe pour l’apprentissage de la gestion de classe
Lorsque de jeunes enseignants démarrent dans un nouvel établissement, ils sont généralement accompagnés épisodiquement d’une façon ou d’une autre par des enseignants expérimentés.
Cela peut avoir lieu sous la forme d’un mentorat, d’un tutorat, d’un accompagnement, de réunions d’information ou de formation, ou d’entretiens individuels.
Ces pratiques visent généralement à faciliter l’intégration du nouvel enseignant et faire face au taux élevé d’abandon de la profession durant les cinq premières années.
Rarement, par faute de temps, cela se traduit par une observation en classe de l’enseignant débutant dans une perspective formative, ou par l’observation d’un collègue expérimenté par ce dernier. Cela constitue une première faille évidente du système.
La seconde est que l’enseignant expérimenté rencontrera des difficultés à expliquer clairement des procédures efficaces qu’il met lui-même en place sur le terrain en matière de gestion de classe. La raison est qu’elles sont de nature comportementale. Elles sont basées sur des automatismes. Elles sont le fruit de l’expérience de nombreuses années et que donc elles appartiennent essentiellement à la mémoire procédurale.
La mémoire procédurale est un type de mémoire implicite (mémoire inconsciente) à long terme. Elle facilite l’exécution de types particuliers de tâches sans que nous gardions conscience des expériences antérieures et de l’apprentissage dont elle découle.
Au besoin, des procédures comportementales sont automatiquement récupérées et utilisées par l’enseignant pour sa gestion de classe. L’enseignant expérimenté accède aux mémoires procédurales et les utilise sans avoir besoin de contrôle conscient ou d’attention. Il discrimine sans difficulté les stimuli pertinents des autres tandis qu’il observe sa classe. L’enseignant débutant n’a pas cette possibilité.
La mémoire procédurale est créée par l’apprentissage procédural, c’est-à-dire la pratique répétée d’une activité complexe jusqu’à ce que tous les systèmes neuronaux pertinents travaillent ensemble pour produire automatiquement l’activité. Le souci est que si l’enseignant possède bien des compétences en gestion de classe, elles sont pour une bonne part automatisées et il n’y a accès que sous une forme implicite.
Il est dès lors extrêmement malaisé pour l’enseignant expérimenté de verbaliser ses pratiques hors du contexte de classe. C’est un peu comme s’il fallait que nous expliquions à un conducteur débutant, sans avoir accès à une voiture, comment faire un créneau dans un espace réduit.
Ainsi des conseils de toute bonne foi d’enseignants expérimentés risquent de rester confus et inapplicables pour des enseignants débutants. Ils seront imprécis, incomplets et présentés hors contexte. Ils risquent même d’induire en erreur. Si un enseignant expérimenté veut prodiguer ce genre de conseils, il ne peut le faire efficacement qu’en le démontrant en classe face à des élèves, il doit inviter l’enseignant débutant à venir l’observer. Ce sera nettement plus efficace.
Le processus comporte toutefois quelques limites. Imaginons un enseignant rencontrant des problèmes avec une classe. Il va observer un collègue qui ne rencontre pas ces problèmes avec les mêmes élèves. Il n’est pour autant pas certain que l’enseignant puisse voir comment son collègue contrôle la classe. La raison est qu’une grande partie de ce qu’il fait se passe en coulisses, ou a été mis en place précédemment. Une bonne relation peut avoir été créée et la classe peut avoir été formée à un bon comportement. Toutefois, cela peut mettre en évidence des attitudes utiles sur le ton des échanges et sur la communication non verbale.
Les observations en classes dans les deux sens sont précieuses pour développer des compétences en gestion de classe. Cependant, elles gagnent à s’inscrire dans le cadre d’un apprentissage professionnel intégrant un enseignement explicite des stratégies et une forme d’accompagnement pédagogique.