Éclairage des sciences cognitives sur la pratique distribuée et implications pour un enseignement explicite
Apports de la recherche sur la pratique distribuée face au bachotage
Les sciences cognitives peuvent nous éclairer sur les avantages de la pratique distribuée sur le bachotage :
Stanislas Dehaene (2020) explique que les études d’imagerie cérébrale démontrent que la pratique regroupée (bachotage) est généralement corrélée à une diminution de l’activité cérébrale, par rapport à l’apprentissage espacé. Il suggère que cela est dû au fait que l’espacement dans la pratique distribuée semble créer un effet de difficulté désirable. L’espacement interdit le stockage simple dans la mémoire de travail plutôt que dans la mémoire à long terme. Il force ainsi les circuits neuronaux pertinents à travailler davantage.
Callan et ses collègues (2010) établissent un lien entre l’espacement et des niveaux plus élevés d’activité cérébrale liés à la pratique distribuée, par rapport à la pratique regroupée dans le contexte de l’apprentissage du vocabulaire.
Selon Brown, Roediger et McDaniel (2014), l’expérience du bachotage est trompeuse. Elle semble plus facile et on a l’impression d’en savoir plus. La pratique espacée semble plus difficile, et moins certaine, mais c’est une difficulté désirable, car elle nous oblige à faire davantage appel à notre mémoire à long terme.
La mémoire comme un système orienté vers le futur
Selon Dehaene (2020), nous ne devions pas simplement voir la mémoire comme un système orienté vers le passé. Cette vision nous amène à combler les pertes liées à l’oubli et à retrouver des connaissances précédemment apprises.
Il est nettement plus utile de changer de perspective et de considérer que le rôle de la pratique distribuée ou espacée est d’envoyer des données vers le futur, afin que nous puissions y accéder ultérieurement. En récupérant plusieurs fois la même information, à des intervalles croissants, nous aidons notre cerveau à se convaincre que cette information est suffisamment précieuse pour être délivrée à notre futur moi.
Cette approche correspond avec les intervalles d’espacement croissants généralement recommandés en tenant compte de la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus. Chaque nouvelle récupération de l’information envoie comme message à notre cerveau qu’il est rentable de la stocker plus durablement.
Implications pour un enseignement explicite
Cette perspective nous amène à considérer les démarches initiales liées à un enseignement explicite et à l’apprentissage autonome qui en découle. Les connaissances préalables de l’apprenant et la précision assurée lors de la pratique (guidée puis autonome) seront des facteurs modérateurs plausibles de l’efficacité rencontrée par l’effet d’espacement.
Meilleures sont les connaissances préalables, meilleures sont la précision et la qualité de la pratique, meilleur sera l’impact de l’effet d’espacement sur l’apprentissage résultant.
Un autre facteur essentiel de l’effet d’espacement est le fait de dormir entre deux occasions de récupération. La qualité de la consolidation en dépend. Un espacement dans le temps des opportunités de pratique de récupération est ainsi essentiel dans une perspective de consolidation.
L’efficacité de l’effet d’espacement est susceptible d’être influencée par la manière dont l’enseignement est organisé :
Adapté à l’apprentissage antérieur
Fonction de la qualité de la pratique et de sa distribution
Renforcé par une rétroaction ciblée dans une perspective d’évaluation formative et d’enseignement adaptatif
Impliquant un enseignement ou un soutien supplémentaires pour les difficultés diagnostiquées dans le cours de l’enseignement.