La note chiffrée ou l’éléphant au milieu de la pièce
L’évaluation sommative est associée à l’établissement d’une note chiffrée. Cette note peut être sur 5, sur 20, sur 100 ou prendre la forme d’une lettre ou d’un autre symbole. Dans tous les cas, l’objectif est d’obtenir une information simple et minimale. Elle permet à tout un chacun d’établir en une fraction de seconde si un élève a réussi ou échoué et dans un second temps de donner un facteur d’ordre sur sa performance.
Cette note est importance, car elle est amenée à contribuer de manière déterminante à une fonction certificative, normative ou sélective. Elle résume tout l’enseignement et l’apprentissage qui s’est déroulé durant des semaines et des mois. Elle masque des quantités de détails importantes et le processus même de son établissement.
De fait, la note de synthèse est un passage obligé dans le paysage éducatif. Elle joue un rôle prépondérant dans l’établissement de la certification comme dans celui de l’échec scolaire, et parfois dans la réorientation. Ce système d’évaluation est courant et son caractère habituel lui donne une certaine légitimité. La note est pratique autant que symbolique, elle a une valeur de note de clôture vis-à-vis d’une période délimitée.
Parfois, la note seule ne suffit pas. Une note chiffrée, établie dans le cadre d’une évaluation sommative tend à s’assortir de commentaires plus ou moins élaborés, d’autant plus qu’elle communique un échec, qu’il convient de justifier brièvement. Ces commentaires qui accompagnent la note chiffrée d’une évaluation sommative sont parfois considérés comme post-mortem comme ils sont de l’ordre du constat et ne peuvent plus changer rétrospectivement le résultat obtenu. À ce titre, ces commentaires ne correspondent pas à l’idée d’une rétroaction.
Dans le système éducatif, l’établissement de la note est associé à un présupposé ancré, lié à justice méritocratique et à l’égalité des chances. Dans cette perspective :
La note représenterait une quantification objective de l’apprentissage (Butera, 2011).
La note récompenserait le mérite (Dubet, 2004).
La note permettrait la sélection des meilleurs éléments (Darnon et coll., 2011).
La note parait reposer sur une certaine réalité objective puisque des points sont établis sur 20 ou 100 par exemple. Une fois celles-ci établies, les notes paraissent très utiles et claires, appropriées pour prendre une décision. Le problème est que leur établissement n’est pas entièrement fiable. Il est pour une part arbitraire. Il est influencé par des facteurs externes tels que :
Le niveau général de la classe
Les attentes des enseignants
L’effet de halo qui est la tendance d’un évaluateur à ajuster l’évaluation qu’il fait d’une personne en fonction d’un sentiment sur cette personne.
À côté de ces facteurs externes, de nombreux autres facteurs internes sont liés à la pertinence, à la fiabilité et à la validité des évaluations.
Paradoxalement, une note sur 5 sera plus objective qu’une note sur 20, qui elle-même sera plus objective qu’une note sur 100. Au plus les niveaux de la note sont nombreux au plus elle est sensible aux facteurs externes et internes du processus d’évaluation.
Une autre situation délicate vis-à-vis de la note vient de la réalisation d’une moyenne d’un cours à partir des différentes notes obtenues distribuées dans le temps.
D’un point de vue conceptuel, cela revient à la fois :
À mélanger des pommes et des poires en additionnant les évaluations de compétences dissemblables dans des proportions pas toujours clairement définies.
À récolter des fruits à différents stades de maturité si les évaluations sont distribuées dans le temps ce qui pose la question de la prise en compte des progrès des élèves.
Du point de vue de l’information véhiculée, il devient rapidement difficile pour n’importe quel acteur (élève ou enseignant) de comprendre ce qu’elle signifie vraiment (De Vecchi, 2014) :
Deux élèves d’une même classe ayant obtenu un 12/20 par exemple n’ont pas nécessairement les mêmes forces et les mêmes faiblesses.
Il est difficile d’expliquer la différence entre un élève ayant obtenu un 10/20 et un élève ayant obtenu un 9/20. Cette complexité s’accentue pour la différence entre un 49/100 et un 50/100. Pourtant, en fin d’année, les conséquences risquent d’être radicalement différentes pour les élèves qui en sont porteurs.
Une moyenne peut occulter une progression et certains élèves peuvent se retrouver dans des situations irrécupérables, condamnés à l’échec, quelle que soit la valeur de leurs dernières notes.