Le modèle modal de la mémoire d’Atkinson-Shiffrin (1968)
La mémoire nous permet de retenir des informations pour les réutiliser ultérieurement. Dans le champ des sciences cognitives, à l’inverse du béhaviorisme, la notion de mémoire insiste sur les structures et processus intermédiaires entre l’acquisition de ces informations et leurs conséquences sur le comportement.
Avoir une compréhension claire et précise de la structure de la mémoire et de ses processus doit être une priorité, à la fois pour les apprenants et les enseignants. La mémoire a un rôle central dans l’apprentissage, pourtant la connaissance de ses principes, fonctions et particularités est souvent négligée. Elle permettrait pourtant d’éviter des conceptions naïves et improductives à son sujet
Le modèle modal fût la première théorie de la mémoire humaine bien élaborée et étayée par des données empiriques.
Il a été développé par les chercheurs Richard Atkinson et Richard Shiffrin (1968). Ils se sont basés sur des recherches explorant la façon dont les individus se souviennent de listes de mots sans rapport entre eux.
Atkinson et Shiffrin ont émis l’hypothèse que la mémoire était constituée de trois composantes distinctes, chacune ayant une fonction séparée : la mémoire sensorielle, la mémoire de travail et la mémoire à long terme.
Ces trois composantes travaillent de concert pour traiter l’information. Elles transforment une partie de l’expérience sensorielle en un code qui peut être stocké et peut être récupéré en cas de besoin. Dans ce modèle, la répétition serait une étape critique qui permet de transférer les connaissances de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme.
Chacune des mémoires diffère par la manière dont l’information est traitée (encodage), par la quantité d’information qui peut être stockée (capacité) et par la durée de stockage (durée).
L’information passe d’une mémoire à l’autre de manière linéaire et a été décrite comme un modèle de traitement de l’information (comme un ordinateur) avec une entrée, un processus et une sortie.
Le modèle distingue progressivement dans le traitement de l’information :
La mémoire sensorielle :
Nos sens font l’expérience de stimuli dans l’environnement par la vue, l’ouïe, la proprioception, l’odorat, l’équilibre et le goût, mais seulement une petite partie de cette information provenant de nos sens est retenue.
La mémoire à court terme :
Sa capacité maximale est estimée à 7 +/- 2 éléments qui doivent être répétés en boucle pour être maintenus indéfiniment.
La mémoire à long terme :
Elle permet de conserver durablement les connaissances. Théoriquement, la capacité de la mémoire à long terme serait illimitée, la principale contrainte au rappel étant l’accessibilité plutôt que la disponibilité de l’information. La durée peut être de quelques minutes ou toute une vie.
L’encodage est la manière dont l’information est modifiée pour être stockée dans la mémoire. L’information peut être codée (modifiée) de trois manières principales :
visuelle (image)
acoustique (son)
sémantique (sens).
La durée de stockage de l’information en mémoire est variable suivant son type :
De ¼ à ½ seconde pour la mémoire sensorielle.
De 0 à 18 secondes pour la mémoire à court terme, mais peut être prolongé par une répétition de maintien. Un exemple de répétition de maintien serait de se souvenir d’un numéro de téléphone juste le temps de passer l’appel. Ce type de répétition consiste généralement à répéter une information sans réfléchir à sa signification ni la relier à d’autres informations. En l’absence de répétition, l’information est oubliée et disparaît de la mémoire à court terme.
De longues durées en mémoire à long terme en fonction de l’oubli. Pour y arriver, il s’agit de donner un sens à l’information en la répétant.
Le traitement de l’information, de l’entrée de l’information par la mémoire sensorielle, à son stockage en mémoire à long terme, en passant par le traitement et la régulation en mémoire à court terme constitue un paradigme. Ce paradigme permet d’expliquer les apprentissages et la façon dont l’enseignement peut servir de vecteur et de facilitateur.
L’oubli agit à trois moments :
Ce à quoi nous ne sommes pas attentifs est oublié.
Ce que nous ne maintenons pas en mémoire à court terme par un processus de répétition sans le traiter finit par être oublié.
L’information en mémoire à court terme que nous traitons par la création de liens avec des connaissances par un processus d’encodage et de récupération répété finit par être stockée en mémoire à long terme. À partir de là, l’oubli se manifeste également au fil du temps.
Les points faibles du modèle modal viennent du fait qu’il est trop simplifié, en particulier lorsqu’il suggère que la mémoire à court terme et la mémoire à long terme fonctionnent toutes deux de manière unique et uniforme. Nous savons aujourd’hui que ce n’est pas le cas.
Il est désormais évident que la mémoire à court terme et la mémoire à long terme sont plus complexes qu’on ne le pensait. Par exemple, le modèle de travail de la mémoire proposé par Baddeley et Hitch (1974) a montré que la mémoire à court terme est plus qu’une simple mémoire unitaire. Elle comprend différents composants (par exemple, exécutif central, calepin visuospatial, etc.).
Dans le cas de la mémoire à long terme, différents types de mémoire ont été identifiés. Il s’agit de la mémoire épisodique (souvenirs d’événements), de la mémoire procédurale (connaissances sur la manière de faire les choses) ou de la mémoire sémantique (connaissances générales).
De plus, la répétition est considérée comme une explication trop simple pour rendre compte du transfert d’informations de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. Par exemple, le modèle ignore des facteurs tels que la motivation, l’effet et la stratégie (par exemple, la pratique de récupération) qui soutiennent l’apprentissage.
Le rôle de la répétition en tant que moyen de transfert de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme est beaucoup moins important que ce qu’Atkinson et Shiffrin (1968) ont affirmé dans leur modèle.
Le modèle met principalement l’accent sur la structure et tend à négliger les éléments de processus de la mémoire (par exemple, il ne se concentre que sur l’attention et la répétition d’entretien). Cependant, c’est la répétition d’élaboration qui conduit au rappel de l’information, contrairement à la simple répétition d’entretien.
La répétition d’élaboration implique une analyse plus significative (images, réflexion, associations, etc.) de l’information et conduit à un meilleur rappel. Par exemple, donner un sens aux mots ou les relier à des connaissances antérieures. Ces limitations sont traitées par le modèle des niveaux de traitement (Craik & Lockhart, 1972).
Si la répétition a été initialement décrite par Atkinson et Shiffrin comme une répétition d’entretien (répétition de l’information), Shiffrin a ultérieurement suggéré que la répétition pouvait être élaborée (Raaijmakers, & Shiffrin, 2003).