Le poids des idées fausses en psychologie et en sciences de l’éducation
Les idées fausses en psychologie peuvent être définies comme des croyances en des hypothèses erronées et populaires qui sont en contradiction avec les résultats de la recherche (Bensley et Lilienfeld, 2015). La même définition peut être élargie aux sciences de l’éducation.
Par exemple, le fait de croire au mythe selon lequel « il est préférable d’exprimer sa colère aux autres que de la retenir » (Lilienfeld et coll., 2010) entraîne une idée fausse sur ce sujet spécifique du comportement interpersonnel. Cette idée fausse n’est pas sans conséquences lorsqu’elle est mise en application.
Le cas du nombre d’élèves par classe
Par exemple, si les enseignants pensent que la taille d’une classe possède en soi une influence positive sur les résultats d’apprentissage des élèves, cela peut limiter leurs initiatives. Ils risquent de ne pas explorer et saisir pleinement les opportunités offertes par une classe plus petite (par exemple, un enseignement individualisé, une participation accrue de chaque élève).
De fait, plusieurs études ont montré que les enseignants n’adaptent pas de manière significative leur pratique pédagogique au nombre d’enfants dans leurs classes (par exemple, Betts et Shkolnik, 1999 ; Shapson et coll., 1980).
Cependant, les recherches ont montré que la taille de la classe en elle-même n’a pas ou n’a que peu d’effet sur l’amélioration des résultats d’apprentissage.
Par contre, les pratiques pédagogiques telles que l’enseignement explicite, l’évaluation formative ou la rétroaction sont susceptibles d’avoir un effet important. Cependant, il y a un risque lorsque les enseignants pensent que c’est la taille de la classe elle-même qui compte plutôt que l’adaptation de leurs méthodes d’enseignement. Ils peuvent manquer des occasions d’améliorer les résultats d’apprentissage de leurs élèves.
La fréquence élevée des idées fausses en psychologie et en sciences de l’éducation
Les idées fausses en psychologie semblent très répandues tant dans la population générale que chez les étudiants en psychologie (Lilienfeld et al. 2010). Le fait d’avoir une formation en psychologie n’empêche pas d’endosser certaines idées fausses du domaine. C’est largement le cas également dans les sciences de l’éducation.
La prévalence des idées fausses en psychologie et en sciences de l’éducation apparait prononcée lorsque leur diffusion est comparée à celles portant sur des thèmes scientifiques généraux. Les croyances communes souvent étudiées qui sont en opposition avec un consensus scientifique concernent le changement climatique, les vaccinations, l’évolution ou le VIH (par exemple, Hamilton et coll. 2015 ; Lewandowsky et Oberauer, 2016). Même si ces affirmations ont été prouvées fausses à de nombreuses reprises, un pourcentage important de personnes y croit encore. Cependant, ce nombre est plutôt faible par rapport au nombre de personnes ayant des idées fausses en matière de psychologie ou de sciences de l’éducation.
Le coût probable des idées fausses en psychologie et en sciences de l’éducation
Les idées fausses en psychologie sont répandues, mais également nuisibles. Comme les connaissances antérieures affectent l’apprentissage futur, les idées fausses qui en font partie peuvent entraver le développement professionnel futur des enseignants.
Par exemple, Kuhle et coll. (2009) font état d’une association négative entre le nombre d’idées fausses sur la psychologie véhiculées le premier jour d’un cours d’introduction à la psychologie et les notes obtenues à la fin du cours.
Le mythe des styles d’apprentissage — a été étudié chez les enseignants (en formation initiale) dans différents pays :
•Dans des études menées au Royaume-Uni, environ 82 % (Howard-Jones et al. 2009), voire 93 % (Dekker et al. 2012) des enseignants participants y croyaient.
Aux Pays-Bas, la prévalence de cette idée fausse parmi les enseignants interrogés était de 96 % (Dekker et al. 2012).
En Turquie, 97,6 % de l’échantillon d’enseignants en formation initiale étaient d’accord pour dire que les individus apprennent mieux lorsqu’ils reçoivent des informations dans leur style d’apprentissage préféré (Dündar et Gündüz, 2016).
En Suisse romande, 87 % de l’échantillon d’enseignants (en formation initiale) pensaient qu’une approche pédagogique basée sur la distinction entre les apprenants visuels et auditifs favoriserait l’apprentissage (Tardif et coll. 2015).
Ainsi, le mythe des styles d’apprentissage est non seulement l’un des plus examinés, mais probablement aussi l’un des mythes psychologiques les plus crus dans le contexte éducatif.
L’étude réalisée par Cordelia Menz et ses collègues (2021b) montre que comme dans de multiples autres pays, les enseignants allemands en formation initiale possèdent de nombreuses idées fausses sur la psychologie de l’éducation.
La seule exception notable a été l’effet de test. Pour chaque idée fausse, plus de 80 % des participants (N = 937) ont indiqué une opinion contraire à l’état actuel de la recherche.
La prévalence du mythe des styles d’apprentissage était particulièrement élevée, à savoir 95 %. En outre, l’ampleur de la gravité de la diffusion des idées fausses en psychologie de l’éducation a été soulignée par une comparaison avec la diffusion des idées fausses en sciences générales qui est bien moindre.
Dans le détail, les connaissances des enseignants en formation initiale sur les sujets scientifiques généraux sont très conformes à l’état récent des connaissances. Cependant, leurs connaissances sur les sujets centraux de la psychologie de l’éducation ne le sont pas, ce qui est paradoxal.