Le principe de segmentation en enseignement explicite
La mémoire de travail ne peut gérer que 4 +/- 1 nouvelles informations à un moment donné si elle doit en même temps les traiter. Par conséquent, dans un contexte d’enseignement nous courrons rapidement le risque de surcharge cognitive. Dans ces conditions, les élèves deviennent incapables d’apprendre.
Nous devons par conséquent garder sous contrôle la charge cognitive.
Celle-ci reprend deux composantes :
La charge cognitive intrinsèque qui contient les informations nouvelles utiles pour l’apprentissage.
La charge cognitive extrinsèque qui contient toutes les informations nouvelles périphériques à l’apprentissage.
Un premier enjeu est de limiter la charge cognitive extrinsèque en éliminant les distractions ou toute information inutile liée aux contenus d’apprentissage. Cela permet de réserver des ressources pour la charge cognitive intrinsèque.
Parallèlement, nous allons optimiser l’usage de la charge cognitive intrinsèque pour rester dans les limites de la mémoire de travail et favoriser l’apprentissage.
Pour résoudre le problème de surcharge intrinsèque, une méthode consiste à découper la notion en constituants élémentaires qui, eux, peuvent être appris.
Cette méthode ne permet pas de construire directement une connaissance en mémoire à long terme. En revanche, elle permet de construire des connaissances intermédiaires qui, une fois intégrées, permettront de réduire la charge cognitive intrinsèque en regroupant plusieurs informations dans un seul chunk en mémoire de travail.
Imaginons qu’un nouvel apprentissage nécessite de réactiver une connaissance A déjà présente en mémoire à long terme.
Imaginons qu’un nouvel apprentissage BCD soit trop important pour être traité directement dans la mémoire de travail sans surcharge. Nous le divisons alors en segments B, C et D.
Dans un premier temps, l’enseignant va réactiver la connaissance préalable A, chez ses élèves. Comme elles se trouvent en mémoire à long terme, elles ne puisent pas de ressources en mémoire de travail.
Dans un premier temps, nous enseignons explicitement le segment B, en lien avec le segment A, jusqu’à ce qu’il soit stocké en mémoire à long terme et n’utilise plus de ressources en mémoire de travail.
Dans un deuxième temps, nous enseignons explicitement le segment C, en lien avec les segments A et B, jusqu’à ce qu’il soit stocké en mémoire à long terme et n’utilise plus de ressources en mémoire de travail.
Dans un troisième temps, nous enseignons explicitement le segment D, en lien avec les segments A, B et C, jusqu’à ce qu’il soit stocké en mémoire à long terme et n’utilise plus de ressources en mémoire de travail.
À ce moment-là, l’élève a stocké la connaissance ABCD dans sa mémoire à long terme et peut aisément la mobiliser dans le cadre d’un traitement en mémoire de travail pour la manipuler dans le cadre d’applications. On parle également d’un processus d’unitisation de la connaissance, car ABCD forme un tout interrelié, un chunk.
Cette méthode permet de libérer des ressources pour l’apprentissage ultérieur. La segmentation d’informations permet d’augmenter la quantité d’informations que l’on peut maintenir en mémoire de travail et donc de permettre des apprentissages ultérieurs plus complexes.
La méta-analyse de Rey et ses collègues (2019) confirme un effet modéré du principe de segmentation sur la rétention (d = 0,42) et le transfert (d = 0,37) si la segmentation est gérée et guidée par l’enseignant ou par un système informatique, c’est-à-dire qu’elle ne dépend pas de l’apprenant.
La segmentation des contenus d’apprentissage ne peut se faire n’importe comment et la construction du sens, de l’intégration, de la logique et de la globalité doit primer. Nous partons du simple pour mieux atteindre le complexe.
Dès lors, un support d’enseignement explicite doit privilégier une logique causale et explicative qui rend ces dimensions évidentes. Lorsque nous enseignons différents éléments du contenu de manière interconnectée, catégorisée et hiérarchisée en les reliant à des connaissances préalables, nous supportons grandement la compréhension et l’apprentissage de nos élèves.
Dans tous les cas, privilégier un découpage en étapes ou en paragraphes singularisant les idées clés est bénéfique. Cette démarche nous permet de limiter la charge cognitive des élèves en leur permettant une meilleure mobilisation des capacités de traitement de leur mémoire de travail.
En procédant de cette manière, les liens sont mieux compris et retenus par les élèves. Une compréhension plus globale peut se développer plutôt que la rétention d’une série d’informations éparses et peu connectées entre elles. Leurs apprentissages seront plus profonds et plus durables.