L'importance de la pratique guidée dans un enseignement explicite
Le rôle de soutien de la pratique guidée
S’il y a un principe que la psychologie cognitive a eu tôt fait de mettre en évidence de manière incontestable, c’est qu’un élève ne peut pas apprendre passivement. Si comme le mentionne Daniel Willingham (2018), un enseignant néglige ce principe, il aura probablement beaucoup de mal à atteindre son objectif déclaré qui est que ses élèves apprennent.
Une analogie utile à ce titre est celle que nous pouvons faire entre l’éducation et l’architecture. Si des ingénieurs architectes souhaitent construire un gratte-ciel, il y a des principes de physique dont ils ne peuvent s’affranchir et qu’ils vont devoir respecter. S’ils ne suivent pas certaines lois scientifiques, leur bâtiment va s’écrouler. De la même manière, il y a quelques principes fondamentaux qu’il faut respecter dans l’enseignement si nous voulons qu'il puisse mener à un apprentissage. La nécessité de la pratique est l’un d’eux.
Si l’enseignant espère que l’élève va apprendre la compétence visée, simplement en le regardant lui ou d’autres élèves l’appliquer, mais sans la pratiquer lui-même, c’est mission impossible. Pratiquer, dans un premier temps sous une forme guidée, est une condition limite sans laquelle l’apprentissage est impossible.
L’enseignement explicite l’a bien compris et donne une position centrale à la pratique, dans un premier temps guidée puis ensuite autonome et enfin distribuée.
L'importance de la pratique guidée pour la construction des connaissances
« Le savoir coupé de l’action réfléchie est un savoir mort, un poids écrasant pour l’esprit. » Dewey, Démocratie et Éducation, 1916
Imaginons un enseignant explique un concept ou une règle à ses élèves, il l’illustre à l’aide d’exemples et de contre-exemples. Il peut alors lui sembler que ses élèves comprennent et ces derniers ont le sentiment d’avoir appris quelque chose.
L’enseignant peut obtenir le sentiment d’avoir enseigné quelque chose, car il a pu vérifier leur compréhension par diverses questions posées au hasard. La compréhension conceptuelle semble acquise.
Une semaine plus tard, à l’occasion d’une évaluation formative, apparait un cas d’application du concept ou de la règle, mais les élèves ne font pas le lien. Interloqué, l’enseignant leur demande par la suite de leur énoncer la règle ou de leur expliquer le concept, ce qu’ils peuvent faire impeccablement.
Ainsi, même si le concept ou la règle sont connus, cela peut n’avoir aucune importance, car l’apprentissage n’est pas effectif tant que les élèves ne peuvent pas mettre cette compréhension spontanément en pratique ultérieurement. Le point faible de la démarche d’enseignement utilisée a été la pratique guidée qui a été négligée.
Nous avons tendance à accorder trop d’importance à la compréhension conceptuelle, alors qu’en réalité, il s’agit d’une série de règles et d’énoncés déclaratifs. La compréhension conceptuelle n’est valable que lorsqu’elle est extraite de la pratique et en est indissociable, c’est-à-dire qu’elle est un discours sur le sens et le pilotage de la procédure mobilisée.
L’enseignement usuel en classe peut laisser trop peu de place à la pratique guidée. Or la pratique guidée découpée en étapes, précisément contrôlée et soutenue par une rétroaction simultanée est sans doute l’aspect le plus difficile de l’enseignement explicite à apprécier et à mettre en œuvre. Une pratique guidée réussie est ce qui va permettre ensuite à un élève de s'exercer de manière autonome pour approfondir ses apprentissages.
La pratique guidée est résolument procédurale dans le sens où elle rend les actions et les pensées prévisibles et explicites afin d’en faciliter la mémorisation. Cette étape est cruciale, car elle va profondément limiter les besoins ultérieurs en différenciation si elle est bien menée. La compréhension conceptuelle prend réellement son sens à travers la pratique de procédures.
Une connaissance conceptuelle, même comprise, n’a pas de sens si elle ne peut pas être mise en pratique de manière adéquate.