Prendre en compte la charge cognitive liée à la prise de notes
Certains enseignants peuvent privilégier la prise de notes pour leurs élèves, de manière à mieux conserver leur attention en classe et dans la perspective de soutenir leur traitement de l’information et dès lors leur compréhension en classe. Ce n’est pas sans risques.
La prise de notes est une contrainte par le temps, ce qui peut la rendre très exigeante sur le plan cognitif.
Différentes difficultés propres à la prise de notes peuvent être mises en évidence :
Un enseignant s’exprime à un rythme rapide qui varie généralement entre 100 et 140 mots par minute. Le taux d’écriture manuscrite des élèves est d’environ 20 mots par minute, soit 5 à 7 fois inférieure. La conséquence est que les élèves qui prennent des notes vont omettre de nombreux détails qui pourtant peuvent fournir un soutien essentiel à des informations importantes. La prise de notes ne sera donc pas entièrement fidèle au discours de l’enseignant et est susceptible de présenter une hétérogénéité des résultats entre élèves.
Les informations orales sont en grande partie éphémères et n’ont qu’une durée de présence limitée en mémoire de travail. Elles sont rapidement remplacées par des informations nouvelles. Les élèves n’ont donc pas le temps d’enregistrer beaucoup d’informations ou de les traiter de manière significative. Une fois que des informations sont transcrites sur le papier, il est temps de les vider de la mémoire de travail et de les remplacer par de nouvelles explications de l’enseignant.
La capacité de la mémoire de travail est limitée. Le processus de la prise de notes se traduit par une augmentation substantielle de la charge cognitive. Dès lors, le fait de prendre des notes est lui-même susceptible de nuire à l’apprentissage et à la compréhension, car cela diminue les ressources cognitives disponibles pour ces processus :
Les nouvelles informations ont généralement une familiarité faible pour l’élève.
Elles représentent potentiellement pour lui un nombre conséquent d’éléments à traiter.
À la différence de l’enseignant, la mémoire à long terme de l’élève ne peut apporter qu’un support limité.
La charge cognitive intrinsèque, qui correspond aux nouvelles informations propres à la matière vue, peut donc être élevée pour l’élève, car ses schémas correspondants en mémoire à long terme sont peu développés.
Les nouvelles informations doivent être traitées
Quand un élève prend note, il doit sélectionner les idées importantes, décider quoi noter, le retenir et l’écrire.
Ces nouvelles informations stockées en mémoire de travail doivent également y être traitées. Cela va monopoliser des ressources, en matière de charge cognitive.
Ce traitement qui permet un réel apprentissage correspond à la charge cognitive essentielle.
La prise de note va également monopoliser une charge cognitive extrinsèque :
La charge cognitive extrinsèque est liée aux aspects mécaniques de la prise de notes.
Il faut retenir ce qu’il faut noter et prendre en compte l’orthographe, la grammaire ou le style de notation.
La recherche a révélé que la prise de notes est comparable en difficulté au processus de traduction, de planification et de révision pendant l’écriture.
La prise de notes est plus laborieuse que la lecture ou l’exécution de tâches d’apprentissage intentionnelles ou accessoires.
Ces ressources mobilisées pour prendre les notes ne sont pas disponibles pour comprendre et réfléchir. Lors d’un cours, un élève qui ne prend pas de notes, mais écoute ou complète un cours à trous s’engage dans un traitement cognitif plus abouti. Il est susceptible de mieux comprendre et apprendre que celui qui prend des notes et d’obtenir un meilleur support d’étude ultérieur.
En conclusion, le risque est réel, lorsque la matière est dense, nouvelle et complexe, que la prise de note imposée par un enseignant se traduise par une compréhension et un apprentissage inférieur à une simple écoute. Dans ce cas également nous pouvons supposer que les notes elles-mêmes seront incomplètes et imprécises.
Par conséquent, la prise de notes est un processus complexe dont la charge cognitive doit être prise en compte par l’enseignant lorsqu’il prépare son cours.
Il peut être utile d’entrainer les élèves à la prise de notes de manière spécifique. Cependant lorsqu’elle s’exerce sur des contenus qu’il sera crucial de comprendre et d’apprendre, son utilité est questionnable.