Repenser l’idée du drill sous forme de pratique distribuée
Le drill est une technique pédagogique fondée sur la répétition intensive d’une pratique par un élève jusqu’à développer un automatisme.
Dans les milieux éducatifs, il est parfois associé à « drill and kill ». Celle-ci signifie qu’en amenant un élève à reproduire de manière prolongée de mêmes actions, on tue sa motivation à apprendre.
Le drill est également associé à une mémorisation par cœur où des élèves apprennent superficiellement des connaissances sans en comprendre le sens. Le terme « drill » est devenu une forme d’exemple pour un mauvais enseignement.
Il évoque une certaine violence qui semble déphasée avec une vision progressiste de l’éducation qui place l’enfant au centre, acteur de ses propres apprentissages.
Dans les approches d’enseignement instructionnistes, le terme drill est devenu inusité. Les apports de la psychologie cognitive étant passés par là, il a été remplacé par le concept d’une pratique distribuée qui associe effet test et effet d’espacement. La pratique distribuée se révèle indispensable à la constitution d’apprentissages durables. En effet lorsque les élèves ont automatisé les connaissances et les procédures de base, ils peuvent consacrer plus de ressources cognitives pour les éléments structurels d’une tâche complexe ou d’un problème.
Ainsi une certaine forme de drill, mais distribuée dans le temps se révèle plus précieuse que de confronter trop tôt des élèves à des tâches plus complexes. Ces dernières risquent de mobiliser de nombreuses connaissances que les élèves n’ont pas encore toutes suffisamment assimilées.
Dans le cadre du « drill », l’enseignant propose à ses élèves des séries d’exercices dans le but d’enfoncer le clou d’inscrire profondément et d’automatiser les apprentissages. Une fois atteint le stade du surapprentissage et de l’automatisation à un moment donné, il perd son intérêt. Il faut alors attendre que l’oubli commence à faire son œuvre et reprendre la pratique. C’est la pratique distribuée.
Le drill correspond également à une certaine vision de l’enseignement où l’enseignement transmet des contenus durant tout un temps. Quand l’échéance de l’évaluation sommative arrive, les élèves se mettent à bachoter, littéralement à faire du drill, dans le but d’apprendre suffisamment pour réussir. Ce genre de démarches produit des apprentissages peu durables.
L’enseignant peut être complice du processus, lorsqu’il conçoit des révisions dans l’optique du drill. Les révisions débarquent lors des dernières heures de cours à la veille des examens. À ce moment-là, elles ne sont souvent que des successions de listes d’exercices supplémentaires regroupés par thèmes. Ces « nouveaux » exercices sont en général en tous points similaires à ceux qui avaient accompagné l’apprentissage initial.
Organisées de cette manière, les révisions ne produiront pas l’effet escompté ou alors seulement à courte durée. L’élève réussira sans doute son examen grâce à elle, mais un mois après l’essentiel en sera oublié, à nouveau.
Une pratique massée et regroupée sur une période courte et continue ne produit pas d’apprentissage durable. Répéter les mêmes exercices sans variation et sans éléments neufs, sans entremêlement ou sans diversification en une seule séquence ne permet pas un apprentissage en profondeur. Cela ne facilite pas non plus une discrimination ultérieure. Dans un sens, le drill en ne produisant que des apprentissages superficiels tue en effet la motivation de l’élève quand il constate une semaine plus tard qu’il a quasiment tout oublié. La pratique distribuée quant à elle évite ce gâchis.
La science de l’apprentissage appuie plutôt des pratiques qui consistent pour un enseignant à aider les élèves en leur fournissant régulièrement une variété d’énoncés, de supports ou d’exercices différents mélangés. Par exemple, cela peut se faire à l’occasion de devoirs réguliers ou de quiz en classe.
Cette forme de révision alternative et distribuée dans le temps a beaucoup à gagner à être régulière. Il s’agit de fournir de nombreuses occasions d’application, de réflexion et de récupération. Pour y parvenir, l’enseignant propose en classe des activités en classe sous forme de quiz, ou à domicile sous forme de devoirs, qui revisitent périodiquement tous les contenus précédemment enseignés. De telles démarches aident les élèves à réactiver, à organiser et à enrichir leurs schémas en mémoire à long terme.