L’illusion du multitâche chez l’homme
Le pilotage de l’attention
L’attention maintient au niveau de la conscience un ensemble de tâches actives. Imaginons quelqu’un qui conduit une voiture tout en discutant au téléphone. Dans ce cas, les deux tâches actives consistent premièrement à regarder la route et piloter la voiture, et deuxièmement à écouter activement l’interlocuteur et lui répondre. La conduite et la conversation se poursuivent.
Pour se faire, chacune va nécessiter l’accès à un traitement d’information. Cet accès est unique et distribué séquentiellement à chaque tâche en cours. Il n’est pas possible de déterminer s’il faut tourner à gauche ou à droite, tout en élaborant une réponse complexe dans la conversation. On fait l’un ou l’autre alternativement.
Ces actions sont liées aux objectifs que nous maintenons actifs et dépendent des ressources disponibles. Nous voulons arriver à destination et nous voulons mener à bien cette conversation.
Les ressources cognitives, sensorielles et motrices exécutent les demandes de traitement de manière séquentielle, une à la fois. Les tâches acquièrent et libèrent des ressources au fil du temps.
Nous effectuons des opérations de traitement dans des tâches différentes dans une succession rapide plutôt que de les effectuer simultanément.
La recherche a prouvé que mener une conversation tout en conduisant est accidentogène. De même, un élève qui consulte régulièrement son téléphone durant les explications de son enseignant apprendra moins.
Nous sommes capables de mener de front deux tâches différentes, mais cela ne signifie pas que nous avons toujours avantage à le faire. Il y a toujours un coût réel pour le traitement de l’information et un risque d’erreur accru.
L’impossibilité d’un véritable comportement multitâche
La commutation entre tâches pilotée par l’attention se produit parfois si rapidement que la performance semble simultanée. Mais ce n’est pas le cas. Nous passons alternativement d’une tâche à l’autre. Cela peut nous donner l’illusion d’être multitâche.
Comme le dit Jean-Philippe Lachaux, nous avons dans la tête environ 100 milliards de neurones. Malgré tout, nous ne pouvons nous concentrer que sur une seule tâche à la fois. Le cerveau n’a pas évolué pour nous permettre de faire plusieurs choses à la fois. Il y a des contraintes qui viennent non seulement du cerveau, mais aussi de notre corps. Nous n’avons que deux yeux, nous ne pouvons que regarder dans une direction à la fois. Nous n’avons que deux mains. Nous n’allons manipuler qu’un seul ou deux objets à la fois. Nous n’avons qu’une bouche. Nous ne pouvons exprimer qu’une réponse à la fois.
Traitement multitâche et automatisation
Toutefois, il existe une échappatoire dans certaines conditions. Les êtres humains sont capables de faire deux tâches en même temps à partir du moment où l’une d’elles est entièrement automatisée. Elle ne nécessite plus de traitement cognitif.
Cependant, nous constatons que marcher et parler en même temps en rue, augmente le risque de chutes et d’autres accidents. La tâche automatisée ne joue pas nécessairement un rôle totalement neutre. Beaucoup de tâches ne sont jamais entièrement automatisées, car nous devons garder un certain contrôle sur leur exécution.
Des expériences ont montré que la plupart du temps réaliser un certain nombre de tâches parallèlement n’est pas plus efficace que leur réalisation consécutive. La seule exception peut venir de tâches aisées ou automatisées qui ne demandent que peu de ressources et peuvent être combinées. Écouter la radio distraitement en conduisant, discuter en faisant la vaisselle sont des actions agréables en mode multitâche.
Par contre, étudier avec son téléphone à côté de soi, ou écouter un cours tout en discutant avec son voisin sont des actions qui bien qu’agréables sont toutes sauf anodines. Le multitâche sera à l’origine d’interférences qui inhiberont l’apprentissage