Un biais de prédiction optimiste source d’erreurs de planification
Le concept d’erreur de planification
Le concept d’erreur de planification, planning fallacy, appartient au domaine de la psychologie sociale. Le terme a été inventé par Daniel Kahneman et Amos Tversky en 1979.
L’erreur de planification fait référence à un biais de prédiction optimiste par lequel les individus tendent à sous-estimer le temps qu’il leur faudra pour accomplir une tâche. Dans un contexte scolaire, typiquement, les élèves vont sous-estimer le temps nécessaire pour réaliser une production ou pour se préparer à une évaluation.
Ce phénomène se produit parfois indépendamment du fait que l’individu sache que des tâches antérieures de nature similaire lui ont demandé plus de temps pour pouvoir être accomplies, que ce qu’il avait généralement prévu par le passé. Dans un contexte scolaire, les élèves risquent également de ne pas apprendre de leurs erreurs et de ne pas améliorer leur mode de planification pour ne plus se retrouver à manquer de temps.
Connaitre le passé et avoir fait l’expérience d’un manque de temps et d’une erreur de prédiction antérieure ne nous protège pas. Nous semblons condamnés à répéter les mêmes erreurs.
L’erreur de planification est un concept qui a solidement été mis en évidence à de multiples reprises dans maints contextes. Elle apparaît chez tout un chacun pour les travaux scolaires, mais aussi pour des petites obligations anodines comme les tâches ménagères quotidiennes. Elle se manifeste de la même façon dans des projets informatiques ou des constructions d’édifices à grande échelle.
Elle se généralise à travers les différences individuelles de divers personnalités, âges et cultures. Par exemple, les personnes consciencieuses terminent souvent leurs tâches bien avant les procrastinateurs, mais les deux groupes sous-estiment également le temps qu’il leur faudra.
De même, l’erreur de planification se retrouve aussi bien dans le cadre de projets de groupe que pour des projets individuels.
L’aspect le plus intriguant est que bien que nous soyons conscients que la plupart de nos prédictions précédentes étaient trop optimistes, nous penserons que nos prévisions actuelles sont réalistes. Cela correspond bien à un biais prédictif optimiste.
De manière plus paradoxale encore, la motivation à terminer nos tâches plus tôt, qu’elle soit intrinsèque, produite par les incitations monétaires ou par le désir de satisfaire d’autres personnes, augmente ce biais optimiste.
La raison pour laquelle le désir de terminer les tâches suscite rapidement des prédictions trop optimistes est qu’il renforce notre tendance à adopter une vision intérieure idéalisée.
Une erreur de planification liée à la personne elle-même
Plus curieux encore, ce biais optimiste n’affecte que les prédictions concernant nos propres tâches. Lorsque des observateurs extérieurs prédisent les temps d’achèvement des tâches qui ne les impliquent pas directement, ils font preuve d’estimations plus pessimistes, ils vont même plutôt tendre à surestimer le temps nécessaire.
Ce faisant, nous semblons faire des estimations plus réalistes sur les délais de réalisation concernant d’autres personnes que pour nous-mêmes. Certains mécanismes à l’œuvre dans la prédiction semblent donc différents.
Les observateurs extérieurs n’ont généralement pas accès aux informations détaillées que les acteurs possèdent sur leurs propres projets et leurs circonstances de vie. Ils ont un point de vue plus extérieur plus ouvert aux aléas, aux obstacles potentiels, aux expériences passées et aux échéances des tâches.
De plus, les observateurs neutres ne partagent généralement pas les mêmes motivations et espoirs que les acteurs. Ils seront dès lors moins susceptibles d’être influencés par ces motifs non factuels.
Les observateurs sont plus susceptibles d’adopter le point de vue extérieur et de construire un point de vue intérieur plus centré sur les problèmes. Ils sont plus sceptiques et ainsi également plus réalistes.