Une tension entre preuves anecdotiques et preuves empiriques en en éducation
Cornelia Menz et ses collègues (2021) ont réalisé une enquête en ligne (avec des éléments corrélationnels et quasi expérimentaux) auprès d’enseignants en formation initiale (N = 836) sur les idées fausses en éducation.
Une prédominance indésirable des preuves anecdotiques
Les chercheurs ont constaté que ces enseignants en formation initiale fondaient principalement leurs croyances sur des sources de preuves anecdotiques (expériences personnelles et récits d’autres personnes). Le problème est que ces sources non scientifiques s’avèrent être les principales sources de leurs idées fausses.
Le fait de se référer davantage à des sources de preuves anecdotiques qu’à des sources scientifiques (preuves empiriques issues de la recherche en éducation) peut être associé à des aspects indésirables :
Une plus grande fréquence d’idées fausses sur l’éducation chez les enseignants en formation initiale.
Une réduction moindre de l’adhésion aux idées fausses à la suite d’une confrontation à des informations empiriques de type réfutation lors de la formation.
Des raisons à la prédominance des preuves anecdotiques en éducation
Pour guider leur pratique professionnelle, les enseignants (en formation) considèrent des informations provenant d’une variété de sources.
L’une des conditions préalables à la préférence pour une source plutôt qu’une autre est la mesure dans laquelle elle est considérée comme experte, intègre et bienveillante. Une source se voit attribuer une fiabilité épistémique.
La fiabilité épistémique fait référence au niveau de confiance ou de fiabilité d’une source d’information ou de connaissance. Il s’agit de savoir dans quelle mesure nous pouvons compter sur une source particulière pour fournir des informations exactes et véridiques.
Par le biais d’une revue de la recherche, les chercheurs ont mis en évidence deux origines principales aux idées fausses en éducation :
Les preuves anecdotiques auprès desquelles les enseignants vont puiser leurs informations.
Les expériences personnelles rencontrées par les enseignants dans leur pratique quotidienne.
Différentes études indiquent que les enseignants en formation initiale semblent préférer les preuves anecdotiques aux preuves empiriques. Les raisons de la prévalence de ces sources semblent être :
Le doute sur la pertinence des preuves empiriques :
Les enseignants en formation initiale ne considèrent pas la recherche en éducation comme utile ou importante pour les problèmes pratiques.
Ils tendent à considérer la théorie pédagogique inutile pour la pratique en classe.
Le biais d’identification lié aux preuves anecdotiques :
Les enseignants en formation initiale se fient et accordent plus de crédibilité et d’importance à leurs propres expériences et à celles d’enseignants expérimentés comme ressources pour prendre des décisions.
Ils ont une plus grande préférence pour les sources de connaissances expérientielles et pratiques que pour les sources théoriques concernant l’enseignement et l’apprentissage des élèves.
La dimension sociale, contextuelle et proche des preuves anecdotiques, leur confère une fiabilité épistémique que le caractère plus abstrait des preuves empiriques ne possède pas.
Des conséquences à la prédominance de preuves anecdotiques
Dans l’ensemble, la littérature de recherche indique que les preuves anecdotiques en viennent à jouer un rôle essentiel dans la vie professionnelle des enseignants, tandis que les preuves empiriques et la recherche semblent moins influentes.
Il apparait clairement que les enseignants (dans le cadre de cette recherche, en formation initiale) estiment que les informations fondées sur l’expérience sont plus importantes pour eux que celles fondées sur des preuves.
Cette situation entraîne deux conséquences :
Une diffusion et un maintien de croyances erronées sur des sujets de psychologie de l’éducation, principalement basés sur des expériences (personnelles) et la diffusion de celles-ci parmi les enseignants.
Une certaine résistance à la modification lors de la présentation de preuves empiriques, car ces dernières ne sont pas valorisées ou privilégiées par les enseignants.
Cette situation permet de comprendre la forte prévalence et la popularité de certaines idées fausses en psychologie de l’éducation chez les enseignants, c’est-à-dire des hypothèses incorrectes qui contredisent les résultats de la recherche.