Articuler pratique séquentielle et entremêlement durant la pratique autonome en enseignement explicite
Dans le cadre d’un enseignement explicite, lors du modelage et de la pratique guidée, un objectif d’apprentissage est traité à la fois, ce qui fait que la pratique est essentiellement séquentielle.
Dans la première phase de la pratique autonome, les élèves s’exercent sur ce qui a été vu lors de la pratique guidée. La pratique autonome gagne à être séquentielle pour mener au surapprentissage.
Ensuite, il est utile de passer à une pratique autonome distribuée qui introduit un certain entremêlement entre des tâches similaires, mais répondant à des objectifs d’apprentissage différents. Cet entremêlement gagne à se poursuivre lors des devoirs, des quiz et des évaluations formatives plus formelles.
Dès lors, la pratique entremêlée doit être introduite stratégiquement.
Adapter la préparation de cours pour l’y intégrer
La pratique entremêlée nécessite un pilotage plus fin, plus ardu que la pratique purement séquentielle. Elle doit être contrôlée pour ne pas perdre et décourager les élèves qui rencontrent le plus de difficultés.
Des études ont montré que les élèves doivent déjà avoir développé une certaine familiarité avec la matière enseignée pour s’investir efficacement dans une pratique entremêlée. Nous devons veiller à ce que la charge cognitive ne soit pas trop élevée. L’entremêlement ne doit pas démarrer trop tôt. La maîtrise de chaque contenu isolé est un prérequis.
Des démarches de vérification de la compréhension, d’évaluation formative et de rétroaction sont dès lors essentielles comme outils de pilotage. De même, il est indispensable de laisser une certaine autonomie aux élèves dans la résolution des tâches. Nous devons les laisser avancer à leur rythme plutôt que de piloter de manière univoque la résolution d’exercices variés à l’échelle de la classe. Dans le cadre de l’enseignement explicite, elle a toute sa place dans la pratique autonome et gagne à devenir un élément structurant des révisions et quiz.
Optimiser l’apprentissage
Si la pratique entremêlée intègre un grand nombre de concepts et de procédures neuves non encore optimisées ou intégrées par l’élève, celle-ci va avoir un coût cognitif élevé.
Il y a nécessité d’intégrer une gradation de la difficulté des exercices et tâches proposées. Nous les mélangeons certes, mais les exercices d’une seule famille restent présentés dans un ordre de complexité et de difficulté croissant. Il est souhaitable que l’entremêlement soit précédé d’une récupération aisée des procédures pour qu’elles soient comprises et assimilées avant de pouvoir être mobilisées et travaillées dans le cadre plus complexe de la compétence de discrimination.
Les avantages de la pratique entremêlée ne suggèrent pas que la pratique séquentielle soit évitée entièrement. Elle est pertinente et indispensable au début d’une tâche donnée immédiatement après l’introduction des élèves à un type de problème. Il faut juste s’arrêter à temps, car les élèves qui travaillent plus que quelques problèmes du même genre en succession immédiate sont susceptibles de voir ces efforts supplémentaires inutiles. Une fois la compréhension établie, les automatismes fixés, la pratique séquentielle perd tout son intérêt.
La pratique entremêlée pourra mettre en place et attirer l’attention sur les caractéristiques et aspects techniques d’une procédure ou sur les nuances d’un nouveau concept. Elle est utile pour soutenir une reconsolidation en mémoire à long terme et une compréhension globale de la matière.
Travailler les compétences de discrimination
Ce qui est donc particulièrement précieux dans la pratique entremêlée est le développement de la capacité à inférer et à discriminer :
Souvent, les élèves trouvent que le choix de la stratégie est plus difficile que son exécution. Les élèves face à un exercice doivent déterminer quelle formule, quelle procédure, quelle stratégie appliquer.
Le choix d’une stratégie est souvent difficile, car des problèmes en apparence semblables nécessitent parfois des stratégies différentes. Le choix d’une stratégie appropriée exige que les élèves passent en revue les différents types de questions qu’ils sont susceptibles de rencontrer et leur associent chaque fois une stratégie appropriée. Les élèves apprennent à réfléchir et à déceler la structure profonde des problèmes que nous leur donnons à résoudre.
Pour cet objectif, la pratique séquentielle n’est que de peu d’intérêt :
Le problème de la pratique séquentielle est que les élèves n’ont pas besoin d’apprendre à choisir une stratégie. En effet, chaque problème d’une série nécessite la même stratégie. Les élèves connaissent la stratégie avant de lire le problème. La pratique séquentielle n’offre donc pas aux élèves la possibilité de choisir une stratégie appropriée sur la base du problème lui-même et, pourtant, ils doivent accomplir cette compétence lors d’un examen.
La pratique séquentielle donne une fausse apparence d’efficacité, car elle réduit considérablement la difficulté d’un problème, en partie parce que les élèves n’ont pas besoin de discerner les problèmes nécessitant des stratégies différentes. Plus préoccupant encore, la pratique séquentielle permet parfois aux élèves de résoudre des problèmes contextualisés à une situation donnée sans lire l’énoncé de façon approfondie. Ils peuvent se retrouver à créer et à mémoriser des associations erronées entre des éléments superficiels de l’énoncé et la stratégie à appliquer, ce qui affaiblit les associations pertinentes.
La pratique séquentielle permet aux élèves de terminer une tâche sans connaître le type de problème qu’ils résolvent et donc sans pouvoir interpréter leur solution, ni du coup repérer si elle est incohérente.