Centrer la rétroaction sur des variables modifiables et objectives, et non sur l’ego ou sur des suppositions
Il ne sert à rien et il est contre-productif de diriger la rétroaction sur des facteurs non modifiables concernant les élèves. La rétroaction doit se focaliser sur des facteurs modifiables en suggérant des actions concrètes portant sur ceux-ci.
Une rétroaction efficace centrée sur le résultat des efforts fournis
Un enseignant peut attribuer les mauvais résultats scolaires à des causes que l’élève peut contrôler, voire modifier, tels que le manque d’efforts ou la sélection d’une stratégie inadéquate. Ce faisant, il donne ainsi aux élèves l’espoir que la situation sera différente à l’avenir moyennant certains efforts définis.
À ce titre, l’effet de la rétroaction va dépendre des conceptions qu’entretiennent les élèves sur :
Les buts généraux des apprentissages scolaires
Les risques, difficultés ou enjeux potentiels à s’investir de telle ou telle manière ou à sortir de leurs habitudes.
Leurs croyances sur ce en quoi consiste un apprentissage scolaire.
Les investissements personnels demandés doivent leur sembler plausibles et acceptables. Les conceptions des élèves influent toutes sur leur motivation à agir dans un sens ou dans l’autre et sur la nature de leur engagement dans la ligne de conduite choisie.
Les enseignants doivent se donner pour but d’inculquer à leurs élèves la conception que la réussite tient à des facteurs spécifiques internes fluctuants et maitrisables. Les enseignants peuvent ainsi encourager les élèves à penser qu’ils sont susceptibles de progresser grâce à l’effort et à la mise en place de stratégies plus appropriées. Nous sommes proches ici de l’idée d’un état d’esprit de développement défendu par Carol Dweck. L’élève croit qu’il peut s’améliorer moyennant certains efforts prédéfinis.
Il s’agit par exemple :
De valoriser l’effort fourni par les élèves et leur usage de stratégies adéquates.
De minimiser l’impact de facteurs généraux stables tels que la compétence personnelle ou le niveau d’intelligence (fluide)
D’éviter tout ce qui pourrait être interprété de l’ordre de la préférence ou d’une subjectivité biaisée de l’enseignant pour certains élèves plutôt que pour d’autres.
L’importance que les enseignants attachent à l’effort fourni en temps et en utilisation de nouvelles stratégies, plus qu’à l’aptitude, joue un rôle non négligeable dans l’image que les élèves se créent d’eux-mêmes.
Lorsque les élèves pensent que leurs résultats peuvent être améliorés, cela peut apporter la motivation et la persévérance nécessaires pour aborder des problèmes ou des matières complexes et exigeants.
Une rétroaction inefficace centrée sur l’ego ou les capacités supposées de l’élève
Il est une tentation bien réelle, mais dangereuse de personnifier l’élève à la production qu’il a fournie. L’enseignant félicite alors l’élève pour ses capacités ou lui laisse sous-entendre qu’il le considère comme faible ou peu capable dans le domaine considéré.
Le fait est que tant des félicitations que des critiques adressées à la personne de l’élève plus qu’au travail fourni sont susceptibles de générer des résultats paradoxaux que l’enseignant ne contrôle pas.
Attribuer l’échec au manque de compétence, conduit souvent les élèves à baisser les bras :
La rétroaction qui sollicite l’ego au lieu de porter sur la tâche concernée peut nuire aux performances. L’élève peut conclure de la remarque de l’enseignant qu’il est intrinsèquement intelligent ou stupide.
À l’opposé, il peut estimer que l’enseignant se trompe sur son interprétation. Dans chacun des cas, le commentaire sur la personne est susceptible de n’amorcer aucune réflexion ou démarche chez l’élève.
La rétroaction de l’enseignant sur l’ego est susceptible d’avoir un effet parfois contre-productif, dans la mesure où :
Les félicitations peuvent avoir des effets négatifs, alors que les conséquences de la critique peuvent être positives.
Les félicitations ne débouchent pas automatiquement sur une augmentation de la compétence perçue et les critiques ne débouchent pas automatiquement sur un recul de la compétence perçue.
Par exemple, si l’enseignant en mathématiques utilise une rétroaction basée sur les capacités intellectuelles supposées :
L’élève performant encensé pour son intelligence et non pas pour son travail, va considérer qu’il réussit grâce à son talent et pas à son travail :
Il développera une conception statique de ses capacités et ne sera pas incité à faire des liens directs entre le développement de celles-ci et une assiduité au travail.
Tout échec ultérieur sera perçu comme une remise en cause des capacités et non comme un manque de travail, il sera considéré comme stressant et non comme une invitation à travailler plus ou mieux.
Le processus est susceptible de générer de l’anxiété et même de pousser l’élève à tricher ou à masquer la réalité dans certains cas pour sauver les apparences.
L’élève peu performant dénigré pour son manque de capacité supposé va considérer que cette situation est inéluctable :
Travailler est dès lors de toute façon inutile, car il restera éternellement faible en mathématiques.
Il aura par conséquent tendance à se désinvestir.
La rétroaction sur l’ego a un aspect roulette russe qui peut faire plus de mal que de bien. Il convient dès lors de l’éviter. Flatter l’ego ou le blesser n’est pas utile. Bien qu’il soit tentant de la faire, il vaut mieux s’en abstenir pour le bien de l’élève.
L’enseignant joue sur les attributions que se fait ou se fera l’élève. Or, l’enseignant ne connait pas ces attributions. L’effet de la rétroaction sur l’ego est fonction de leur interprétation par l’élève :
Si les félicitations sont attribuées à la capacité, la perception de compétence est susceptible d’augmenter.
Si les félicitations sont attribuées à l’effort, la perception de compétence peut même le cas échéant diminuer, si l’effort soutenu est perçu comme indicateur d’une faible capacité, surtout après des tâches simples.