Concevoir l’entremêlement comme une difficulté désirable lors de la pratique en classe
Imaginons que durant les cours qui ont précédé, dans le cadre d’un domaine de contenus, un enseignant ait modelé, pratiqué de manière guidée puis autonome, avec ses élèves, successivement trois types de problèmes (A, B et C).
Chaque type de problème demande un traitement procédural propre, mais ils présentent des similitudes de surface. Déterminer de quel type de problème il s’agit nécessite une lecture attentive et approfondie de l’énoncé.
Dans le cadre de la préparation d’une évaluation sommative qui s’annonce, l’enseignant souhaite organiser un temps de révision sur les contenus précédemment pratiqués par les élèves et revus dans le cadre de devoirs.
Imaginons qu’il donne durant une heure de cours la même activité à deux classes de même niveau. Pour chacun des trois types de problèmes, il dispose de dix énoncés.
Dans la première classe, l’enseignant décide d’appliquer ce qu’on appelle une pratique massée. L’enseignant donne une feuille d’exercice à ses élèves et leur propose de les réaliser en autonomie, tout en tolérant les échanges entre élèves en cas de difficultés. Sur cette feuille, les dix énoncés du type de problème A sont suivis des dix énoncés de type B et des dix énoncés de type C présentés en trois groupes distincts.
Dans la seconde classe, l’enseignant décide d’opter pour une pratique entremêlée. Les conditions de réalisation sont les mêmes pour les élèves de l’autre classe. La différence est que sur la feuille d’exercices, les problèmes sont également placés en trois groupes de dix, sauf qu’à l’intérieur d’un groupe, les problèmes A, B et C sont placés dans un ordre aléatoire.
Peu importe la feuille de calcul prise, les problèmes d’un même type gardent le même ordre, mais dans le cadre de la pratique entremêlée existe une alternance aléatoire des trois types de problèmes. L’élève ne sait jamais de quel type sera le prochain problème qu’il va résoudre.
Si l’on se réfère aux données de la recherche concernant ce type d’approche, l’enseignant peut s’attendre à observer les phénomènes suivants :
Les élèves de la première classe vont réaliser la feuille d’exercice en moyenne plus rapidement que les élèves de la seconde classe.
Les élèves de la seconde classe vont poser plus de questions à l’enseignant et vont solliciter plus souvent l’aide de leurs pairs.
Globalement, du point de vue d’un observateur extérieur, les élèves de la première classe paraitront plus performants que les élèves de la seconde classe.
Au terme de la réalisation de la feuille d’exercice, si on interroge les élèves de la première classe, ils seront plus confiants que les élèves de la seconde classe sur leur niveau de préparation à l’évaluation sommative.
Si l’enseignant organise une évaluation formative le lendemain qui associe des problèmes des trois types, les élèves de la seconde classe obtiendront en moyenne de meilleurs résultats que les élèves de la première classe.
Durant les révisions, les élèves engagés dans une pratique entremêlée vont manifester une moins bonne performance que ceux réalisant une pratique massée.
Cependant, les élèves affectés à la pratique entremêlée vont générer plus de gains d’apprentissage à long terme. La performance est moindre à court terme, mais l’apprentissage à long terme est plus important.
Il y a également un avantage en matière de transfert pour l’entremêlement, car celui-ci renforce les capacités de discrimination. À chaque exercice, un élève de la seconde classe est obligé de lire attentivement l’énoncé pour déterminer s’il s’agit d’un problème de type A, B ou C. Les élèves de la première classe sont dispensés de cette exigence ce qui ne leur permet pas de développer un apprentissage aussi profond.
L’entremêlement favorise ainsi un meilleur transfert des compétences concernées et de meilleures performances générales. Il crée une difficulté désirable au moment de sa mise en œuvre. Son caractère désirable vient du fait qu’elle permet de générer une meilleure qualité d’apprentissage même si la performance est moindre au moment même. Les bénéfices ne se révèlent que par la suite.