Des automatismes contreproductifs à proscrire dans le cadre de la vérification de la compréhension en enseignement explicite
Pour bien gérer la vérification de la compréhension en enseignement explicite, il est utile d’inhiber certains comportements contreproductifs qui ont pu devenir des automatismes par le passé.
L’impact du non verbal
Verbalement, l’enseignant montre qu’il se préoccupe des élèves en leur demandant s’ils ont compris après avoir terminé ses explications. Mais la position isolée et unique de cette démarche, en fin d’une séquence d’enseignement, non accompagnée d’autres questions préalables, la rend contreproductive. La vérification de la compréhension doit accompagner tout le processus de modelage et de pratique guidée.
De plus, au-delà de la démarche tardive, poser des questions uniquement après avoir tout expliqué s’accompagne également d’une part de communication non verbale.
Cette communication non verbale témoigne très clairement bien que de manière implicite que l’enseignant, poussé par le risque de manque de temps, souhaite passer à la suite de la matière. L’enseignant cherche à se décharger de la responsabilité d’avoir à expliquer à nouveau. Il adopte pour cela la démarche formelle d’une question rhétorique dans sa démarche.
La plupart des élèves comprennent très vite que leur assentiment silencieux est souhaité par leur enseignant. Ils savent que l’enseignant n’attend pas vraiment de réponse, car il veut passer très vite à la suite.
Les élèves le déduisent. Pour vraiment savoir s’ils comprenaient, au lieu d’une telle question vague et sans risque, il aurait fallu que l’enseignant prenne le risque de poser de véritables questions de vérification de la compréhension.
De plus dans un tel contexte, un peu confus à propos de ce qui vient d’être enseigné, les élèves eux-mêmes peuvent avoir envie de passer à autre chose. Quand cette complicité cachée existe, l’impasse sur l’incompréhension peut très vite se faire. La seule manière d’y échapper est une vérification de la compréhension ciblée, régulière et qui concerne tous les élèves.
Le risque de vouloir ne pas agacer l’enseignant ou ses pairs
Dans ce contexte de communication non verbale, une inertie du groupe qui consiste à ne rien dire et laisser passer est probable chez nombre d’élèves. Pour l’élève, avec le risque de paraître peu intelligent, existe aussi le risque de se confronter à l’agacement, plus ou moins visible, plus ou moins exprimé, de l’enseignant.
L’enseignant peut se retrouver pris plus ou moins au dépourvu par la réponse de l’élève qui n’a pas compris. Il peut estimer avoir passé le temps suffisant à expliquer initialement.
Il est peu probable qu’il propose d’emblée une manière différente d’expliquer. Il risque de se lancer dans un récapitulatif sommaire, une sorte de révision, en insistant sur les points importants.
Les élèves qui ont compris ce que l’enseignant avait expliqué peuvent trouver cela lassant, ce qui peut être culpabilisant pour celui qui n’a pas compris.
L’enseignant peut également suggérer à l’élève également de revoir la matière chez lui, de refaire des exercices et de revenir alors vers lui si l’incompréhension subsiste. Dans certains contextes, il pourrait suggérer à l’élève d’être plus attentif à l’avenir. L’élève qui reçoit ce type de retour d’information hésitera deux fois à reposer ce type de questions à l’avenir.
L’enseignant peut, bien entendu, également prendre tout le temps nécessaire pour réexpliquer, mais cette ressource étant limitée, cette approche ne peut être généralisée.
Dans tous les cas, l’enseignant va tâcher d’obtenir rapidement l’assentiment de l’élève demandeur. Il n’est pas certain que ce sera suffisant pour que l’élève comprenne.
De la façon dont l’enseignant va réagir à la réponse de l’élève à ce moment-là, va dépendre la façon dont celui-ci se comportera à l’avenir dans de similaires situations :
Imaginons que l’enseignant est patient et prend le temps d’établir la situation. Dans ce cas, l’élève n’hésitera pas à dire qu’il ne comprend pas si la situation se répète.
Imaginons que l’enseignant explique rapidement de manière agacée sans prendre le temps de s’assurer de la réelle compréhension de l’élève. Dès lors, il y a de grandes chances que la fois suivante, l’élève laissera passer et qu’il prétendra comprendre.
Des questions à proscrire
Sans s’en rendre compte, un enseignant peut également mobiliser des questions qui annihilent les bénéfices de la vérification de la compréhension en enseignement explicite.
Ce sont par exemple les classiques : « Avez-vous compris », « Est-ce que c’est clair pour tout le monde », « Qui rencontre des difficultés ? », etc.
Toute question qui demande une réponse binaire (c’est-à-dire oui ou non) est particulièrement suspecte. Elle a peu de chance de générer un quelconque effet positif sur l’apprentissage et l’engagement des élèves.
Dans ce cas, soit la réponse est induite par la question, soit elle incite à l’évitement et dans tous les cas, l’élève peut répondre souvent sans avoir réellement compris, au petit bonheur la chance.
Nous le voyons, il n’y a aucune bonne raison de poser de telles questions, car elles présentent un réel déficit de sincérité et n’envoient pas un message favorable aux élèves.
Il s’agit de remplacer ces questions fonctionnellement rhétoriques par des formes plus objectives d’évaluation régulière et distribuée.