Des difficultés désirables pour mieux apprendre
Le concept de difficultés désirables (desirable difficulties) a été introduit en 1994 par Robert Bjork et Elizabeth Bjork. Ce concept s’inscrit dans le cadre de la théorie sur la mémoire et l’oubli de Bjork & Bjork, « New Theory of Disuse » (1992). Elle est aussi appelée en français « théorie de l’encodage en mémoire à long terme » ou « nouvelle théorie du manque d’utilisation ».
Le concept de difficultés désirables explique comment l’introduction de certaines difficultés dans le processus d’apprentissage peut grandement améliorer la rétention à long terme de la matière apprise.
Le terme « difficultés désirables » désigne plus précisément les types de tâches qui exigent un niveau d’effort susceptible d’améliorer les performances à long terme. Selon ce concept, l’esprit se comporte comme un muscle. La clé est de trouver le bon niveau de défi. Ainsi, tout comme soulever un poids léger ne développera pas beaucoup de masse musculaire, entreprendre des tâches qui ne demandent pas beaucoup de réflexion n’encouragera pas le développement de l’esprit. Dans la notion de difficulté désirable, le mot désirable est important. En effet, bon nombre des difficultés qui peuvent être créées pour les élèves ne sont pas désirables ou souhaitables.
Seule l’introduction de certaines difficultés dans l’apprentissage peut favoriser la mémorisation à long terme. Lorsqu’ils traitent des informations en profondeur et lorsqu’ils réfléchissent sérieusement, les élèves aboutissent à un meilleur encodage de leurs connaissances. Les difficultés désirables le sont parce qu’elles encouragent les activités d’encodage ou de récupération qui favorisent l’apprentissage.
Les difficultés désirables ont une particularité qui les rend contre-intuitives. Elles correspondent à des stratégies d’apprentissages qui font que les élèves réussissent moins bien à court terme, mais mieux à long terme. Cela rend leur adoption par les élèves moins évidente, car elles ne sont pas directement perçues comme efficaces.
Une autre limitation des difficultés désirables c’est qu’elles dépendent d’un apprentissage préalable suffisant. Lorsqu’un élève n’est pas armé, en vertu de ses connaissances préalables et des indices présentés, pour surmonter avec les efforts demandés, une difficulté qui serait autrement désirable, devient indésirable. Si les élèves n’ont pas compris l’apprentissage au départ, l’introduction de difficultés supplémentaires peut ne servir qu’à les embrouiller davantage.
Trois grandes difficultés désirables ont été dans un premier temps identifiées et leurs effets positifs sur la rétention à long terme disposent de données probantes pour les soutenir :
L’effet d’espacement ou pratique distribuée.
L’effet du test ou pratique de récupération qui consiste à générer ses propres réponses (plutôt que de les recevoir).
L’interférence contextuelle ou entremêlement
Deux autres conditions ont été par la suite elles-mêmes qualifiées de difficultés désirables :
La rétroaction intermittente, plutôt que continue, délivrée aux élèves. En effet, les erreurs sont un élément clé de la difficulté souhaitable et elles doivent être présentées comme telles, plutôt que comme un échec.
La variation des conditions d’apprentissage, plutôt que leur maintien constant et prévisible.
La pratique distribuée remplit la condition des difficultés désirables. L’espacement est un facteur favorable à l’apprentissage. Paradoxalement, il est utile de laisser oublier en partie par les élèves ce qu’ils apprennent, en introduisant des difficultés désirables. L’apprentissage espacé perturbe le flux de l’apprentissage, permettant aux élèves d’oublier, avant de leur demander de récupérer le matériel précédemment enseigné et appris. De cette manière, ils engagent des efforts d’attention pour se rappeler et récupérer leurs connaissances. Ce processus a pour bénéfice d’ancrer plus solidement ces connaissances dans leur mémoire à long terme.
Cette manière d’envisager les stratégies cognitives liées à l’apprentissage est l’une des plus récentes à émerger au sein des sciences cognitives.
Les preuves de l’impact dans le cadre sa mise en œuvre en classe pour chaque matière et chaque niveau d’élèves sont actuellement assez limitées. Ce qui est disponible se concentre sur les groupes d’âge plus élevés.
Les enseignants doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils cherchent à intégrer cette approche dans leur pratique quotidienne, en réfléchissant soigneusement à son adéquation avec la tâche, le moment et les élèves auxquels ils enseignent. Bien paramétrées, les difficultés désirables sont largement bénéfiques pour l’apprentissage des élèves.