Développer une routine de vigilance et d’engagement lors des interactions en classe complète
Lorsque nous interagissons avec un élève au sein d’une classe, il faut que dans notre non verbal, les autres élèves de la classe puissent percevoir des signes que notre degré de vigilance envers eux ne change pas voire augmente.
Assez naturellement, en tant qu’être humain, lorsque nous interagissons avec quelqu’un de physiquement éloigné, nous avons tendance à nous tourner et à nous déplacer vers lui. Nous avons tendance à nous rapprocher et à focaliser notre attention vers lui. En tant qu’enseignants, nous sommes spontanément tentés de le faire.
Le danger est que le fait de se déplacer vers un élève envoie le signal au reste de la classe que l’enseignant a cessé de leur prêter attention. Il se trouve maintenant en interaction avec un seul élève. Ces autres élèves vont alors potentiellement se déconnecter du cours et se désengager. Nous risquons de devoir récupérer leur attention par la suite.
Dans ces situations, il ne s’agit pas de gérer un comportement perturbateur d’un élève ni de répondre à une question lors de la pratique autonome. Lorsqu’un élève pose une question sur la matière ou y répond, il est conseillé à l’enseignant de s’éloigner de l’élève particulier avec lequel il est en interaction.
Ainsi, plutôt que de faire un pas en avant vers l’élève, il vaut mieux faire un pas de recul. Il s’agit de conserver un champ de vision large sur toute la classe ou d’être à une position où nous pouvons continuer à scanner.
Il faut réaliser que dans le contexte de la classe, en tant qu’enseignants, nous n’avons pas besoin de garder le contact visuel direct avec l’élève qui s’exprime. Cette démarche tend à exclure les autres élèves et à permettre leur retrait. Au contraire, faire un pas de retrait c’est montrer que tous les autres élèves restent des interlocuteurs concernés par l’échange. Pour l’élève qui parle, cela lui fait comprendre qu’il ne s’adresse pas uniquement à l’enseignant, mais à tous les autres élèves également.
Il est avantageux d’enseigner, d’expliquer de manifester cette démarche de l’enseignant comme une routine de classe dès le début de l’année scolaire. En corolaire, les élèves doivent comprendre qu’ils s’adressent à voix haute à toute la classe et non seulement à l’enseignant. Cela rend très clair également qu’il est de leur responsabilité d’écouter les autres échanges.
L’enseignant explique qu’il est important pour lui de vérifier que les autres élèves écoutent, car cela fait partie de leur propre apprentissage. Il s’engage dans ce comportement, car pour lui tout le monde doit rester attentif. Il le manifeste en posant une question de suivi à l’un ou l’autre élève à la fin de la réponse du premier.
De cette manière, il n’est paradoxalement pas utile que l’enseignant conserve un contact visuel exclusif avec l’élève avec qui il échange. Les élèves doivent s’habituer à ce que l’enseignant regarde par défaut l’ensemble de la classe et promène son regard d’avant en arrière.
Cette situation illustre également les risques liés à la différenciation où différents groupes d’élèves en fonction de leur niveau se retrouvent dans des zones différentes de la classe, engagés dans des activités différentes. L’enseignant ne peut plus être attentif à ce que fait chaque groupe d’élèves à chaque moment. Il n’interagit plus avec la classe entière, mais avec des groupes d’élèves, ce qui peut les inciter au désengagement.
En conclusion, lorsque l’enseignant interroge ou répond à un élève, hors du contexte d’une gestion de perturbation ou de la pratique autonome, le processus est le suivant :
L’enseignant reste à l’endroit où il est, ou fait un pas de recul vers une extrémité pour conserver une vision générale de la classe.
Les élèves ont conscience que l’enseignant est particulièrement attentif à leur engagement.
Pour montrer qu’il est important que tous les élèves soient attentifs, une fois l’interaction terminée, il est conseillé, si opportun, que l’enseignant pose une courte question de suivi à un élève pris au hasard. Il lui demande de reformuler ou d’approfondir.
L’enseignant s’assure que l’élève qui répond à une question le fait de manière à être intelligible pour toute la classe.
Lorsque l’enseignant répond à une question d’un élève, il s’assure que sa réponse s’adresse à chacun des élèves dès que c’est pertinent. Il contextualise la réponse et s’adresse à toute la classe d’une façon positive et précise, exprimant un niveau d’attente élevée. « Vous devez faire bien attention à cela, parce que… ». « J’ai besoin que vous soyez bien attentif sur ce point, car c’est intéressant et crucial pour une bonne maitrise de la matière ».
Tout le processus est enseigné, justifié, entrainé et maintenu dès le début d’année scolaire en tant que routine de classe.