Éviter la note chiffrée d’une épreuve formative
Une forme de « rétroaction » courante est la note chiffrée. Lorsqu’un enseignant corrige une production d’élève ou une test, il traduit souvent son appréciation par un nombre qui sert d’indicateur pour l’élève de la qualité générale de son travail. Chaque question, chaque partie peut être évaluée sur plusieurs points. La somme de ces points obtenue peut être comptabilisée sur 20 par exemple et détermine l’échec ou la réussite.
Deux élèves peuvent avoir la même note, par exemple un 12/20 alors que les éléments maîtrisés ou non sont essentiellement différents. Une telle note chiffrée sans information additionnelle offre une appréciation générale peu aisée à décoder pour l’élève.
En réalité, s’il est utile d’évaluer ainsi une épreuve sommative pour des raisons normatives, cela devient moins pertinent quand l’apprentissage est encore en cours :
1) Les mauvaises notes démotivent très souvent les élèves en particulier ceux qui fournissent des efforts, mais qui rencontrent des difficultés. Il ne suffit pas de mettre en évidence uniquement ce que l’élève échoue à faire. Il faut insister également sur le chemin déjà parcouru, sur ce que l’élève sait déjà faire et mettre en évidence toute progression et toute réussite. Ne pas mettre de points, mais donner un commentaire écrit ou une simple distinction, entre ce qui est correct et incorrect, met plus d’emphase sur ce qui est réussi pour les élèves faibles que des points. Face à un énième échec dans une évaluation formative, un élève peut avoir envie de jeter les gants et n’a plus forcément le courage de comprendre où se situent ses faiblesses.
2) Pour les élèves, les notes peuvent être l’équivalent d’un salaire. Elles récompensent leurs mérites et permettent le passage dans la classe supérieure et l’estime de leurs parents. Utiliser l’évaluation formative sans note chiffrée permet de désamorcer en partie et mettre l’accent sur l’apprentissage plutôt que sur la performance. Le rôle de la rétroaction est de donner des indicateurs sur l’acquisition des objectifs d’apprentissage visés non sur la réussite ou l’échec.
3) L’élève garde une marge d’action à l’issue de l’évaluation formative. La note chiffrée à l’issue de l’évaluation formative n’a rien de déterminant. Ce qui l’intéresse c’est de voir ce qu’il sait faire et ce qu’il ne sait pas encore faire. Cela lui permet d’évaluer la qualité de sa préparation. Il garde la possibilité d’agir sur ces observations, ce qui peut améliorer ses résultats sommatifs. Pour une évaluation formative, une notation chiffrée n’apporte pas de sens ou de valeur ajoutée dans un processus d’amélioration en cours.
4) S’il n’y a pas de note, l’élève ne sait pas s’il aurait réussi l’épreuve dans un cadre sommatif. Son attention est uniquement centrée sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Si la note d’une épreuve formative montre une réussite chiffrée, certains élèves seraient susceptibles de s’en contenter et de ne pas réinvestir dans la matière en visant un résultat similaire à l’évaluation sommative.
5) Les commentaires portés sur les copies aident les élèves à apprendre. Il faut les accompagner d’une note ou d’une marque de classement réduit leur portée. C’est dû au fait que les élèves ont alors tendance à ignorer ce commentaire au profit de la note chiffrée. Un commentaire seul a plus de poids et d’influence qu’un commentaire accompagné d’un résultat chiffré.
6) Pour l’enseignant, l’absence de note chiffrée pure impose de proposer une alternative et un accès à des indicateurs d’amélioration pertinents et généraux. Des procédures amenant les élèves à s’investir en fonction de ces commentaires doivent être intégrées au processus d’apprentissage global. Cela ne sous-entend pourtant pas une différenciation en fonction des élèves, la rétroaction à la classe entière permet par exemple à l’enseignant de mieux gérer ses ressources limitées.