Le neuromythe des enfants du du numérique
Depuis leur plus tendre enfance, la plupart de nos élèves ont été baignés dans la lumière des écrans de télévision, de tablette ou de téléphone. Plus tard, ils deviennent pour certains accros aux jeux vidéos, aux réseaux sociaux, plus généralement à leur smartphone, qui tente souvent de s’incruster en classe si les limites ne sont pas précisent.
Les élèves suivent des influenceurs, ingurgitent parfois des séries à hautes doses ou écoutent de la musique en streaming. Leur consommation culturelle devient essentiellement numérique si les parents ne placent pas de cadre suffisant ou ne les orientent pas vers d’autres sources.
Ces phénomènes de consommation culturelle et de communication sociale virtuelle véhiculent parfois l’idée que les nouvelles générations d’élèves auraient développé un fonctionnement cognitif différent. Ils seraient des digital natives ou natifs du numérique.
À leur sujet, le philosophe français Michel Serres avait écrit « Petite Poucette » en 2012 en référence à l’usage du pouce fréquemment utilisé par les enfants du numérique ou digital natives, pour pianoter sur les téléphones portables. Le concept d’enfant du numérique part de l’idée que les individus nés (à partir de 1984) à l’ère des médias numériques seraient fondamentalement différents des générations précédentes d’élèves et d’étudiants. Dès lors, ils exigeraient une approche éducative radicalement différente de celle des générations précédentes.
Le souci est que le fait d’être baigné dans un monde numérique :
Ne rend pas automatiquement un élève plus qualifié dans le traitement et la recherche d’informations en ligne
Ne développe pas non plus son esprit critique et sa réflexivité par rapport aux ressources numériques auxquelles il est confronté.
Dès lors, toute conception d’une éducation qui suppose la présence de ces capacités entravera la qualité et la profondeur de l’apprentissage des élèves.
La capacité d’utilisation d’outils numériques correspond à des connaissances biologiquement secondaires et non à des connaissances biologiquement primaires. Par conséquent, notre cerveau fonctionne globalement comme il le faisait durant les siècles précédents, bien avant le numérique. Les enfants actuels ne vont pas apprendre mieux avec des stratégies différentes que les générations précédentes.
Peut-être simplement que leur attention sera soumise à plus de sources de distractions potentielles que précédemment et qu’il faudra prendre compte et agir contre ses détournements.
De plus, nous ne pouvons pas présupposer que les élèves aient la capacité de décoder ou d’identifier une information pertinente du simple fait qu’elle est disponible sous forme numérique. La pédagogie qui fait usage du numérique reste de la pédagogie. Le numérique n’est qu’un outil ou un vecteur au service de l’enseignement et non à la commande de ce dernier.
En réalité, peu importe le temps que les élèves passent sur leurs écrans, ils ne développent pas pour autant une connaissance approfondie des technologies qu’ils côtoient.
Souvent, leurs compétences se limitent à de la bureautique de base quand elle ne se limite pas à l’utilisation des interfaces basiques d’un smartphone. Il s’agira au mieux souvent des rudiments du traitement de texte et de la messagerie instantanée, de recherches sur le web ou des réseaux sociaux.
Régulièrement, leur compétence en numérique se réduit à l’utilisation de différentes applications dont ils ne dominent pas non plus toutes les finesses et les nuances. Ils se contentent souvent des fonctionnalités intuitives et basiques.
Leur utilisation de ces ressources numériques dans le contexte de l’apprentissage se réduit souvent à une consommation passive d’information. Il s’agit de la consultation de Wikipédia, la recherche de travaux partagés, de tutoriels ou de résumés déjà réalisés en ligne. Ils téléchargent des notes de cours, visionnent des capsules vidéos, consultent de plateformes d’enseignement en ligne, répondent à des questionnaires en ligne ou échangent des informations virtuellement avec d’autres élèves. Ils sont rarement créatifs et impliqués au-delà d’utilisations basiques.
Lorsqu’il s’agit de la dimension de l’apprentissage, souvent le numérique va agir comme une distraction au-delà de quelques applications utiles et basiques. Le cerveau, lui, n’est pas numérique, mais biologique et c’est l’outil avec lequel nous traitons dans un cadre d’enseignement. Considérer les choses autrement et imaginer des spécificités de l’apprentissage propre à l’influence du numérique sur le cerveau tient du neuromythe.