Limites communes à l’approche séquentielle, au drill ou au bachotage
Les concepts de bachotage, d’approche séquentielle, de pratique massée ou bloquée ou de drill se chevauchent essentiellement et présentent tous les mêmes faiblesses intrinsèques que nous développons ici.
Dans le cadre d’une approche séquentielle, un enseignant va découper sa matière en chapitres, thèmes ou parties qu’il va enseigner séparément. Dans ce cadre, les élèves bénéficient d’un modelage, d’une pratique guidée et d’une pratique autonome pour chaque ensemble de contenus. Ils ne sont jamais confrontés à une pratique qui mélange des contenus provenant de différentes unités d’une même discipline.
A contrario de l’entremêlement, l’approche séquentielle ne demande pas le même niveau d’efforts, car l’élève sait chaque fois de quoi il s’agit à la lecture de l’énoncé. Les échanges avec la mémoire à long terme sont largement inférieurs, car il n’y a pas de besoins de reconnaissance :
1) Peu d’échanges avec la mémoire à long terme (peu de récupération et un effet test amoindri)
Les informations pertinentes pour accomplir une tâche peuvent être maintenues en continu dans la mémoire de travail, par conséquent, les élèves n’ont pas à réfléchir souvent pour récupérer des formules, des règles, des concepts ou des procédures.
L’effort est moindre et la mémorisation faible : il suffit en effet de stocker une fois l’élément à utiliser temporairement dans la mémoire de travail et aucune confusion n’est possible avec d’autres connaissances.
La mémoire à long terme n’est que peu sollicitée ce qui nuit à la consolidation des connaissances. Les élèves n’ont pas besoin d’identifier une stratégie appropriée, car chacun des problèmes ou exercices consécutifs peut être résolu par la même stratégie.
La défaillance de cette démarche est qu’un élément important de l’apprentissage qui consiste à pouvoir choisir la stratégie appropriée en fonction du contexte est négligé. Or c’est un enjeu fondamental de l’apprentissage et la pratique séquentielle ne permet pas d’y répondre efficacement.
2) Peu d’utilisation de l’effet d’espacement pour soutenir la consolidation :
L’utilisation de chaque élément de connaissance n’est pas espacée dans le temps, les répétitions sont concentrées dans une durée de temps limité. Les connaissances constituées par une pratique séquentielle seront très sensibles à l’oubli.
3) Les conditions de l’évaluation sont éloignées de celles de la préparation :
Ce ne sont pas les automatismes de l’approche séquentielle qui sont utiles, mais la capacité à discerner à quel moment et dans quel contexte utiliser quel savoir.
Essentiellement, la pratique séquentielle fournit un étayage, des béquilles permanentes dont les élèves perdent brutalement l’usage et les avantages au moment de l’évaluation.
4) Nous leurrons nos élèves en les engageant dans une pratique séquentielle prolongée
La pratique séquentielle est l’objet de croyances fausses sur son efficacité. Les élèves, souvent leurs parents, leurs enseignants et les auteurs de manuels, croient que le fait de s’exercer de manière répétée sur un même type d’exercice, bloquer ou faire du drill, améliore durablement l’apprentissage. C’est faux ! L’amélioration n’est que temporaire.
Le fait de proposer comme moyen d’apprentissage des séries d’exercices similaires dans le but de renforcer l’apprentissage n’a jamais l’effet escompté. La réalisation de ceux-ci leur semblera rapidement facile, car les élèves ne doivent pas réfléchir. Ils sont artificiellement aidés par cette répétition.
Les élèves n’ont pas conscience de ce phénomène et s’en rendent compte à leur désavantage lors des évaluations, car alors ce phénomène d’aide artificielle est absent. Les élèves réalisent alors qu’ils ont surestimé leur mémorisation et leur acquisition des compétences attendues.
La pratique séquentielle donne ainsi aux élèves une illusion de maîtrise, car ils n’apprennent pas à résoudre les problèmes sans connaître la stratégie à l’avance.
N’ayant pas conscience de la cause de leurs difficultés, les élèves risquent d’attribuer leur échec à l’anxiété ou à des trous de mémoire. Souvent, la responsabilité est à chercher du côté de la pratique séquentielle qui ne leur fournit que des béquilles en guise d’apprentissage. Elle crée une illusion d’apprentissage dont ils seront dépossédés lors d’un test cumulatif. Nous devons aider nos élèves à abandonner ce type de stratégie contre-productive.
5) Nous favorisons les erreurs de discrimination :
Les erreurs de discrimination se produisent plus fréquemment lorsque toutes les expositions à chacun des concepts sont regroupées, c’est le cas lors de la pratique séquentielle.
Ce regroupement fait en sorte que les élèves n’ont pas besoin d’apprendre à faire la distinction entre des concepts similaires.
L’alternative à cette approche séquentielle et à ses équivalents est une pratique de récupération distribuée dans le temps et entremêlée.