Relire n’aide pas à mémoriser efficacement
Régulièrement, certains élèves se montrent contrariés après une évaluation ou ensuite lorsqu’ils reçoivent leurs résultats. Ils estiment avoir passé un temps suffisant à étudier et pensaient être prêts dans l’ensemble. Ils invoquent parfois des trous de mémoire ou l’effet de l’anxiété, du stress lié à une évaluation.
Quand nous les interrogeons alors sur leur méthode de travail, régulièrement, nous découvrons que la relecture (ou le surlignage) sont leurs stratégies privilégiées et qu’ils les considèrent comme efficaces pour eux.
Malheureusement, leurs copies lors de l’évaluation montrent une tout autre réalité, un manque de compréhension, sous forme des réponses partielles et souvent confuses. Celles-ci traduisent un faible niveau de mémorisation des contenus. En réalité, peu de connaissances ont été retenues durant leur temps d’étude.
Une erreur commune chez les élèves consiste à croire qu’à force de relire une information ou de la répéter à voix haute et finalement l’ânonner, elle finira apprise par cœur de manière durable.
Il n’en est rien. L’information ne fait que transiter de l’environnement vers la mémoire de travail. Tout au plus tourne-t-elle dans la boucle phonologique de répétition en répétition.
Même chose quand l’enseignant se retrouve à répéter sans cesse la même information, la même formule.
Nous ne pouvons apprendre sans traitement génératif impliquant la mémoire à long terme et la mémoire de travail. Nous avons ensuite besoin d’un processus de récupération ou d’élaboration subséquent, qui ramènera à plusieurs reprises espacées l’information de la mémoire à long terme vers la mémoire de travail. Sans ces deux conditions, l’apprentissage n’aura pas lieu.
Endel Tulving a mis en scène en 1966 dans le cadre d’une étude, une démonstration élégante du phénomène :
Dans un premier temps, les participants devaient simplement lire six fois une liste d’éléments appariés. Ils ne s’attendaient pas à un test de mémoire.
Après avoir lu six fois la liste d’éléments appariés, les participants ont été informés qu’ils recevraient une liste de noms dont ils devraient se souvenir.
Pour un premier groupe de participants, les noms étaient les mêmes que ceux qu’ils venaient de lire six fois lors de la phase de lecture précédente
Pour un second groupe de participants, les noms à apprendre étaient différents de ceux qu’ils avaient lus précédemment.
Les deux groupes ont alors été évalués. L’apprentissage des noms par les deux groupes n’a pas été différent. Avoir lu six fois les noms précédemment n’a pas aidé les participants à s’en souvenir mieux que s’ils avaient lu des noms différents.
Intuitivement, nous pourrions nous attendre à une issue toute différente. L’explication la plus logique est que les participants n’étaient pas en projet lorsqu’ils ont lu les noms six fois. Ils n’avaient aucune raison de stocker l’information et de fait, elle n’a pas été traitée et stockée en mémoire à long terme. Lorsqu’un objectif leur a été donné, celui de les mémoriser, c’est comme si le processus repartait de zéro.
Nous le voyons ici, une exposition répétée d’information ou leur maintien en mémoire de travail sur des périodes plus ou moins longues ne conduisent pas en soi à une bonne mémoire à long terme.
D’autres recherches ont abondamment exploré la problématique. La conclusion est que des lectures multiples et en succession étroite ne se sont pas avérées être une méthode d’étude efficace. Elles n’ont en elle-même aucune influence sur la mémorisation. Tout avantage au-delà de l’établissement de la compréhension est inutile.