Risques liés à une planification prospective de l’enseignement
Un danger dans la conception pédagogique consiste à planifier celle-ci sur les activités d’apprentissage et non sur les objectifs d’apprentissage.
Dans cette perspective, qui correspond à une planification prospective, l’enseignant sélectionne les activités en lien avec son programme d’étude. Il ne réfléchira à leur concordance que dans un second temps au moment de planifier et concevoir son évaluation sommative. Une partie du temps en classe risque d’avoir été consacré à des activités d’apprentissage sans lien direct avec ce qui doit être évalué.
Dans la perspective inverse, qui correspond à une planification à rebours, l’enseignant commence par déterminer les objectifs d’apprentissage en relation directe avec les contenus de l’évaluation sommative. Dans un second temps, il sélectionne les activités d’apprentissage dans le cadre de sa conception pédagogique pour respecter un parfait alignement curriculaire.
La planification prospective commet le risque d’une confusion entre les notions d’activité d’apprentissage et d’objectif d’apprentissage. L’enseignant se retrouve à préparer ses cours en matière d’activités, de tâches ou d’exercices à faire par les élèves.
En raison de la complexité de l’enseignement, c’est une situation courante dans laquelle n’importe quel enseignant peut se trouver. Il peut lui arriver régulièrement, plus fréquemment en début de carrière, de se retrouver à préparer et à planifier en dernière minute ses heures de cours prochaines. Afin de stimuler l’intérêt de ses élèves ou de parer au plus pressé, il peut être tenté d’opter pour des activités qu’il pense innovantes ou attrayantes pour ses élèves parfois directement disponibles clés en main.
Son attention et l’urgence du moment peuvent l’amener à tomber sur une feuille d’exercices, une tâche ou une activité attrayante, en ligne, dans un manuel scolaire, ou à l’emprunter à un collègue bienveillant. Dans ces situations, la saillance des activités prime souvent sur leur pertinence.
Il est très facile de l’imprimer, de la photocopier, de la distribuer aux élèves. Elle est prête à l’emploi, ne demande presque aucun temps de préparation, est parfois même accompagnée d’un solutionnaire. De plus, elle donne l’impression que le cours a toutes les chances de bien se passer.
Nous sommes tous tombés dans cette démarche, au moins en début de carrière, parce que d’une certaine manière nous nous sommes persuadés que ce serait intéressant de tester telle ou telle activité avec nos élèves. Dans cette démarche, nous nous sommes dit que cela allait par l’occasion leur enseigner quelque chose de signifiant, que cela cadre forcément d’une manière ou d’une autre avec le programme du cours.
Les activités d’apprentissage sélectionnées par ce biais ne sont pas mauvaises en soi. Le problème est qu’elles ne représentent au moment de leur réalisation que des activités d’apprentissage sans enjeux direct, car elles ne sont pas pilotées dans le sens d’un objectif d’apprentissage.
Une pratique professionnelle efficace ne peut se contenter de générer un engagement des élèves, elle doit contribuer à la construction d’un apprentissage pensé sur le long terme et inscrit dans le cadre d’un objectif d’apprentissage identifié.
Une activité d’apprentissage gagne à être centrée sur un objectif d’apprentissage si nous voulons que les élèves puissent apprendre à comparer, différencier, automatiser leurs connaissances, gagner en fluidité dans leur savoir-faire.
Dans d’autres cas, même si elles sont en rapport avec des contenus dont l’apprentissage est visé, certaines activités d’apprentissage sont susceptibles de n’en générer aucun.
De plus, certains programmes de cours proposent de nombreuses tâches à réaliser, mais sans spécifier comment le faire, ni la marche à suivre. Un enseignant est susceptible alors de sélectionner une stratégie d’exploitation en lien avec cette tâche. Le problème est que ces stratégies ne sont pas forcément susceptibles de servir très directement l’objectif d’apprentissage parce que les élèves ne les maitrisent pas. Si les élèves ne maitrisent pas la stratégie utilisée, ils vont buter dessus et tout apprentissage issu de l’activité est dès lors compromis. Les résultats sont prévisibles, ça ne se passera pas bien, ni lors du cours ni lors de l’évaluation. Les élèves vont peut-être apprendre des contenus liés à la réalisation de l’activité d’apprentissage, mais ceux-ci peuvent ne pas être en lien avec un objectif d’apprentissage du programme.
Nous risquons de passer notre temps à former nos élèves à des stratégies utiles pour réaliser certaines activités, mais sans liens avec les objectifs d’apprentissage réellement visés. Pour ces raisons, il est plus utile de privilégier une planification à rebours à une planification prospective.