Gérer la transition entre segments et les vecteurs d’action principaux en classe
Analyser une situation d'enseignement en matière de segments et de vecteurs d’action principaux permet de mieux comprendre les exigences du cadre à définir, à mettre en œuvre et à maintenir.
Pour mieux comprendre le mécanisme, nous allons analyser une situation où les élèves sont amenés à coopérer sur des tâches définies à la suite d’un modelage et d’une pratique guidée.
Imaginons premièrement le cadre d’un enseignement explicite délivré en classe. Un enseignant est occupé à procéder à un modelage entrecoupé de temps de pratique guidée. Cela correspond à un segment de cours. Il existe un vecteur d’action principal dans ce cas. Il est bien défini. L’enseignant guide ses élèves qui suivent le cours, réfléchissent aux questions qu’il leur pose, élaborent des réponses et écoutent les interactions en classe qui en découlent.
Un peu plus tard, l’enseignant décide de passer une pratique autonome où il permet à ses élèves de collaborer sur des tâches plutôt que de les laisser travailler seul. Il peut faire ce choix, car il estime la classe encore trop hétérogène dans sa compréhension des contenus.
Nous basculons alors dans une pratique autonome en déclinaison coopérative. Les élèves travaillent en petits groupes. Le mode de fonctionnement de ce segment est radicalement différent. Au lieu d’un vecteur d’action principal, nous obtenons une multiplicité de vecteurs d’actions parallèles qui cohabitent en respectant le même modèle.
L’enseignant se retrouve à surveiller l’apprentissage de ses élèves et à répondre à leurs questions. Il assure également une vigilance pour s’assurer que ses élèves sont bel et bien engagés dans le vecteur d’action principal, c’est-à-dire la réalisation de tâches de manière coopérative. Son vecteur d’action personnel est complexe.
Les élèves sont principalement impliqués dans un seul vecteur d’activité, le leur. Dans le cas d’un travail coopératif, ils peuvent avoir des interactions avec plusieurs personnes ce qui demande des ressources supplémentaires.
Le double danger est que premièrement des élèves peuvent être tentés de faire autre chose, comme discuter d’un autre sujet avec leur voisin.
Ils peuvent également se retrouver distraits par d’autres échanges un peu plus éloignés de leur groupe. Les élèves peuvent voir leur attention détournée :
Par une conversation d’autres élèves à proximité (bavardages ou échanges dans un autre groupe de travail).
Par les explications que l’enseignant donnerait non loin d’eux à un autre élève.
L’enseignant se retrouve alors à gérer un mode de fonctionnement radicalement différent en gestion de classe. Il s’agit d’un autre cadre avec des comportements attendus spécifiques qu’il devra avoir défini et enseigné préalablement à ses élèves.
Plus encore qu’un modelage associé à une pratique guidée, avoir de multiples petits groupes simultanés d’élèves qui travaillent en classe constitue dès lors un système d’activité complexe à gérer. Des séances de cours réussies en apprentissage coopératif sont associées à un niveau élevé de contrôle de l’interaction du groupe par l’enseignant et à l’établissement préalable de routines.
À tout moment, les demandes d’attention des élèves mettent en balance le vecteur d’action principal de l’enseignant lui-même. L’enseignant peut passer du temps à répondre à une question d’un élève particulier tandis que des perturbations mineures apparaissent en classe.
L’enjeu de l’enseignant est de programmer sa réponse de manière appropriée pour préserver les vecteurs d’action principaux parallèles des différents élèves. Il répond rapidement sans perdre de vue le reste du groupe et reprend sa circulation.
Pour les élèves, ces séances de travail coopératif sont de même liées à un retour d’information et à une responsabilisation personnelle sur leur progression dans l’exécution des tâches.
En cas de difficultés répétées pour différents élèves qui risquent de mettre en danger les vecteurs d’actions principaux parallèles, l’enseignant peut décider de reprendre la main temporairement face à l’ensemble des élèves. Il bascule alors temporairement dans un vecteur d’action principal typique au modelage et à la pratique guidée.
Un vecteur d’action principal est également inscrit dans le temps. Il a un début et une fin. Les enseignants s’emploient à maintenir un vecteur d’action jusqu’à ce qu’ils arrivent au point où il estime nécessaire de le terminer.
Les transitions entre segments sont des points d’interaction sociale particuliers, car les contextes changent. La transition est amorcée par des indices. Une négociation interactionnelle se produit pour signaler le début d’un changement, la réorientation de l’attention et le début d’un nouveau segment.
Ce découpage crée souvent une indétermination des limites, qui rend difficile la localisation précise des points de départ et d’arrivée des transitions entre les activités. En général, la durée des transitions importantes dépend de l’ampleur des changements qui doivent être apportés, du degré de clarté et de maîtrise des enseignants et de leur établissement préalable de routines en classe.